Éditorial
La
silhouette de David est une sculpture de Giacometti, tel que Giacometti
se représentait lui-même : tout en os, comme sculptés
par le vent ; de part et d'autre de la bouche, de profonds sillons,
comme gravés à l'eau-forte ; les yeux, bleus. David
Perlov a engagé son art dans la voie du dire/vrai cinématographique,
filant sa ligne de partage, entre sa vie d'homme et son pays, ses
pays.
MICHAEL KUSTOW
ONE IN FOUR, HIVER 1986.
David Perlov nait en 1930, au Brésil, à Rio de
Janeiro. Il vient à Paris à l'âge de 22 ans
pour étudier la peinture, puis se passionne pour le cinéma,
rencontre Henri Langlois dont il devient l'assistant à la
Cinémathèque Française, et participe au montage
du film de Joris Ivens sur Marc Chagall. En 1958, après avoir
réalisé son premier film Tante Chinoise et les
Autres à partir des dessins en couleur d'une petite fille
née à la fin du dix-neuvième siècle,
il émigre en Israël et rejoint sa femme Mira, arrivée
quelques années plus tôt de Sao Paulo.
Après treize ans de travail intense, une dizaine de films
réalisés non sans conflits avec les institutions de
l'Etat, pour qui le cinéma n'était pas un art, David
Perlov - libre comme l'écrivain qui a choisi de tenir un
journal - commence à filmer avec une caméra 16 mm
de la fenêtre de son appartement - "comme à travers
le hublot d'un char d'assaut" - dès le début
de la guerre du Kippour. D'une conception complètement nouvelle,
d'une liberté de forme et de contenu, Diary allait
devenir un journal constitué de 6 chapitres d'une heure chacun,
filmé pendant 10 ans, 1973-1983, et considéré
comme l'uvre la plus marquante du cinéma documentaire
israélien. En 1999, David Perlov recevait le Prix d'Israël
qui, pour la première fois, récompensait une uvre
cinématographique.
Diary est tantôt axé sur ce qui se passe à
l'intérieur ; la famille, les amis, l'appartement, un quotidien
condensé ; et tantôt sur l'extérieur ; les événements
politiques du pays, la rue, les passants, les journaux télévisés.
La réalité est observée d'un il à
la fois distant et engagé, la voix off, grave et fascinante
de David, bouleverse et crée une intimité avec le
spectateur.
Les 6 chapitres de Diary ont été projetés
en octobre 2005 au Centre Georges Pompidou, en mai dernier à
Toulouse et le seront également au Festival International
de la Rochelle du 5 au 8 juillet, ainsi qu'au festival "Etats
généraux du film documentaire" de Lussas (Ardèche)
du 22 au 24 août. Au Festival de la Correspondance de Grignan,
cette édition de Florilettres en hommage à David Perlov,
fera l'objet d'une présentation publique et d'un entretien
en direct avec Yael Perlov, la fille du réalisateur et Ariel
Schweitzer, critique et historien du cinéma, le 7 juillet
à 18h30.
Par
ailleurs, le colloque de Cerisy, Archive épistolaire et
Histoire (14-22 août) proposera notamment, des lectures
de lettres par la comédienne Valérie Jeannet, en présence
de Ménie Grégoire. Mireille Bossis, co-directrice
du colloque nous invite ici, à réfléchir à
la question de l'adaptation des correspondances au théâtre.
"Lettre, Histoire, Théâtre peuvent faire bon
ménage : mélangeons les genres et tentons l'expérience..."
Nathalie
Jungerman
Entretien
avec Mira Perlov.
Propos recueillis et traduits par Nathalie Jungerman
Mira
et David Perlov, Diary (1973-1983)
©
Mira Perlov
N.J.
Comment a été envisagé le projet d'éditer
les films de David Perlov en DVD ?
Mira
Perlov : En octobre dernier, Philippe-Alain Michaud, conservateur
cinéma au Centre Georges Pompidou, a présenté
une rétrospective des films de David où figuraient
les 6 heures de Diary. Considéré depuis des
années, comme peut-être, l'un des films les plus marquants
du cinéma documentaire israélien, Diary était
assez peu connu à l'étranger. Seules quelques projections
dans des cinémathèques, musées et universités
avaient eu lieu. Le Centre Pompidou nous offrait là une opportunité
de faire revivre le film et de le montrer à un public étranger.
Donc, nous avons décidé de réaliser une nouvelle
copie à partir des négatifs en 16 mm, et en même
temps, nous avons envisagé de produire
une édition en DVD, traduite en plusieurs langues. Ces opérations
sont plutôt onéreuses, comme tout ce qui concerne le
cinéma, mais heureusement, le soutien de nombreuses institutions
israéliennes nous a permis d'avancer dans notre projet. Nous
avons eu également la chance de rencontrer un jeune éditeur
et distributeur franco-américain, Pip Chodorov (Re:Voir
video éditions), prêt à prendre en main
l'édition et la distribution des DVD. Je dis "la chance",
car depuis le début, Pip a tout mis en uvre pour que
le produit final soit de grande qualité - une haute définition,
un livret conséquent traduit en 3 langues accompagnant les
disques, une très belle présentation...
En
tant qu'épouse de David et productrice de Diary, peux-tu
nous dire comment est venue l'idée de cette uvre cinématographique
commencée peu avant la guerre du Kippour, en mai 1973 ?
Mira
Perlov : Au début des années 1970, l'industrie
cinématographique en Israël était encore assez
sous-développée. Malgré quelques longs métrages
déjà réalisés, il n'y avait qu'un petit
capital privé. La production documentaire était entièrement
sous le contrôle des institutions de l'Etat, principalement
dans un but de propagande, de levée de fonds, d'éducation...
Les films devaient être "positifs", optimistes,
idéalistes. Dans l'ensemble, le cinéma n'était
pas considéré comme un art, contrairement à
la musique, la littérature ou la peinture ; on demandait
au réalisateur de faire un produit qui satisfasse les sponsors,
sans aucun caractère personnel ni original, et bien sûr,
sans aspiration artistique ni aucune liberté.
Pendant les années soixante, David travaillait avec beaucoup
d'énergie, essayant d'outrepasser les institutions étouffantes.
Ici et là, il y avait réussi, mais les batailles commençaient
à l'épuiser. On lui faisait des éloges, on
lui attribuait des prix, mais on lui donnait de moins en moins de
travail. Il savait que ce nouveau pays offrait des opportunités
exceptionnelles, des sujets excitants, et il voulait les traiter
avec profondeur et sensibilité. Par exemple, il avait souhaité
faire un long documentaire sur les immigrants qui affluaient par
milliers. Il voulait montrer les gens, pas une idéologie.
Le projet a été refusé comme la plupart des
autres.
Tout ceci a conduit David à chercher autre chose. Il n'était
pas homme à s'avouer vaincu, alors il a commencé à
réfléchir à la manière dont il pourrait
s'exprimer au cinéma, avec moins de ressources, voire des
moyens primitifs, mais avec liberté. Il s'est acheté
une petite caméra 16 mm, muette, et a commencé à
tourner. Dans le premier chapitre de Diary, on découvre
ses tous premiers essais. A l'époque, il ignorait encore
qu'il était en train de réaliser un journal filmé.
Pour en revenir à ta question : l'idée de Diary
est née de ce contexte, d'un réel désespoir,
d'une série de déceptions accumulées depuis
des années. Mais elle est née également d'un
sentiment d'urgence, d'une nécessité et d'un enthousiasme
à pouvoir travailler dans une direction totalement nouvelle.
La guerre du Kippour qui a été un événement
volcanique dans le pays, a contribué à créer
ce fort sentiment d'urgence. Comme le dit plus d'une fois David
dans Diary : il sentait que tout devait reprendre à
zéro.
Il
semble qu'une conversation entre David et André Swartz-Bart
ait été déterminante quant au titre donné
au film.
Mira
Perlov : C'est à Paris, dans les années 50, que
nous avons rencontré André, au moment où il
était en train d'écrire Le Dernier des Justes.
Nous avons même lu une partie de son manuscrit. David et lui
ont eu de longues conversations à cette époque, et
le rencontrer ici avec sa femme Simone, pendant la guerre du Kippour,
était en un sens, un écho à ces lointaines
conversations.
Malgré sa passion pour le cinéma et les possibilités
remarquables que cet art était en mesure d'offrir, David
enviait souvent le travail solitaire de l'écrivain ou du
peintre, qui pouvait s'isoler et travailler sans l'appui d'une industrie,
de sponsors, ni même d'importants soutiens financiers. Effectivement,
David avait parlé avec André de son intention de quitter
le cinéma professionnel, d'être capable de réagir
vite et sans détours face à la réalité
proche, de filmer parfois - ainsi dans le cas d'une guerre - comme
un "reporter", pas seulement des événements
mais aussi avec sa propre vision des choses. Rendre compte, montrer,
mais pas illustrer. Il avait dit à André que la seule
chose au cinéma qu'il aimerait faire, était ce que
les écrivains pouvaient choisir de faire en littérature,
tenir un journal. Et c'est à ce moment-là qu'il a
pris la décision claire et nette de réaliser un journal
filmé et de l'appeler Diary (Yoman, en hébreu).
On
pourrait penser qu'il y a une "recherche proustienne du temps
perdu" dans Diary, (David retourne sur les lieux de
son passé, "Je suis venu faire la paix avec la ville
de mon enfance" dit David dans la 1ère partie...),
mais ce serait inexact car les images nous en disent beaucoup sur
le présent, le quotidien, l'actualité...
Mira
Perlov : Bien sûr, on est parfois tenté de faire
de telles comparaisons parce que l'évocation du passé
est très forte dans Diary ; le souvenir envahit le
présent d'une manière agressive. Néanmoins,
il me semble que David essaie de se soustraire au processus de la
mémoire, il tente de le maitriser formellement avec l'aide
du commentaire qui, même s'il est toujours allusif, est plus
direct et objectif. Quand une image est trop évocatrice et
étouffante, il en cherche une autre et la remplace par une
image plus concrète, plus ouverte.
En tant que réalisateur et documentariste, David évite
l'explication psychologique.
Dans l'une de ses dernières interviewes, il disait : "Dans
mes films, il n'y a pas de recherche proustienne du temps. Entre
Proust et Dickens, je me sens plus proche de Dickens. J'ai lu récemment
Les temps difficiles et un passage du livre m'a tellement ému
que je l'ai photocopié pour le garder toujours avec moi.
Je ne suis pas à la recherche du temps perdu. Quand je retourne
au Brésil, je suis là. Le film est la mémoire
du présent." Dans Diary, une rencontre avec
le souvenir est une rencontre volontaire, choisie. Le tournage n'est
pas arbitraire mais contrôlé.
Tout
au long des différentes parties du "journal", la
figure maternelle est discrètement présente
Mira
Perlov : Quand tu emploies les termes de "figure maternelle",
ils m'évoquent une certaine douceur. Mais pour David, c'était
tout autre chose. En réalité, il a eu une enfance
malheureuse, et les souvenirs qui concernent sa mère et son
père n'étaient pas empreints de nostalgie. Ses parents
se sont mariés très jeunes et le père a quitté
la maison quelques années plus tard. Il avait des petits
rôles dans divers films brésiliens, puis il est devenu
magicien itinérant. Il a perdu petit à petit tout
contact avec la famille. La mère était illettrée
et n'avait pas suffisamment d'aptitude psychique et affective pour
élever seule les deux fils qu'elle avait à sa charge.
Elle s'est remariée avec un champion d'échecs régional,
mais cette deuxième noce s'est avérée être
aussi malheureuse que la première.
Quand David est retourné au Brésil après une
longue absence, il est allé voir la maison où il a
passé les dix premières années de sa vie. Il
est resté à la regarder de loin, à peine quelques
secondes. En parlant de cette maison dans le chapitre 6 de Diary,
il résume ainsi : "Folie. Tragédie. Les rats
se multipliant nuit après nuit."
David cite de manière récurrente, tout au long de
Diary, sa belle-mère noire, Dona Guiomar qui, en réalité,
était la femme de ménage. A cette époque, Dona
Guiomar était la seule personne avec qui David avait un lien
affectif.
Effectivement, la présence de la mère est signalée
à plusieurs reprises dans Diary.
Le film commence par ces mots qui apparemment n'ont aucun rapport
avec l'image de la mère : "Dans les pays où
sévissaient la misère et l'illettrisme, ceux qui ne
savaient pas signer de leurs noms avaient deux croix sous leurs
photographies
- prénom et nom." Une photographie de sa mère
avec les deux croix apparaît au chapitre 3. Le même
sujet revient au chapitre 5. A la gare de l'Est à Paris,
David filme le pont avec ses structures métalliques répétitives
en forme de X et il dit, "Pourquoi ces symboles hantent-ils
mon esprit ? Cette structure fonctionnelle qui soutient un pont,
me rappellera-t-elle toujours une signature ?"
La mère de David est devenue borgne quand David était
déjà en Israël. La peur de cette hérédité
l'a hanté pendant des années et c'est ce qui apparaît
clairement dans la scène chez l'ophtalmologiste au chapitre
2, puis juste après, dans les peintures qui représentent
des portraits de borgnes.
Cependant, le lien entre ces différentes séquences
n'est pas forcément lisible pour les spectateurs d'autant
plus que David reste allusif, comme avec d'autres sujets plus intimes
qu'il traite dans le film.
"Etranger
ici, étranger là-bas, étranger
partout". Peux-tu commenter cette phrase qu'énonce
David dans Diary ?
Mira
Perlov :
Stranger
here, stranger there,
stranger everywhere,
I'd like to go home, honey.
But i'm a stranger also there.
Etranger
ici, étranger là-bas
Etranger partout,
J'aimerais rentrer à la maison, chérie.
Mais là-bas aussi je suis un étranger.
C'est
une chanson d'Odetta, la chanteuse noire-américaine. David
aimait beaucoup la musique et les paroles de ses chansons, à
partir desquelles il a réalisé tout une série
de dessins en couleurs. Il écrivait toujours sur le dessin
une ou deux phrases de la chanson, par exemple : "I'm not
ashamed, ain't that new? I've been living with the Blue" (Je
n'ai pas honte, n'est-ce pas nouveau ? Je vis avec le Blues)
; ou "Rich, oh rich men, you dont know what hard time means,
(Riches, oh hommes riches, vous ne savez pas ce que les temps
difficiles veulent dire) etc
David avait une grande affinité avec la musique noire et
avec les Noirs en général, née bien sûr
de sa complicité avec Dona Guiomar, et de l'importante population
noire et mulâtre du Brésil. Une autre chanson apparaît
trois fois dans Diary, intitulée Angelitos Negros,
dans laquelle le poète demande à un peintre d'église
pourquoi il n'a jamais peint des petits anges noirs, sachant qu'au
Paradis, Dieu les veut aussi.
Mais bien sûr, dans Diary, quand il prononce les mots
"étranger ici, étranger là-bas
",
il parle de lui-même. Il retourne au Brésil, la terre
qu'il aime tant - les gens, la culture, la musique, la nourriture,
les odeurs, et soudain il se rend compte qu'il n'appartient plus
à ce pays. Il fait également allusion à l'étrangeté
existentielle d'être un Juif dont la marginalité le
rapproche des Noirs.
Pour
lui, le cinéma documentaire et la littérature étaient
étroitement liés
Mira
Perlov : Quand David a commencé à faire des documentaires,
ici, dans les années soixante, l'élément déterminant
d'un film, celui qui comptait réellement pour les sponsors,
était le commentaire, ou comme on l'appelle aujourd'hui,
la narration. David disait que les Juifs, peuple du verbe, du livre,
regardaient les films avec leurs oreilles. Le commentaire ne devait
pas seulement véhiculer des informations mais aussi les interpréter
et, comme je l'ai déjà mentionné, transmettre
l'idéologie, le credo national. Il était rédigé
par des officiels qui désiraient plaire à leurs supérieurs
hiérarchiques. Et le commentaire n'en finissait pas d'être
examiné et approuvé par les différents échelons
de la hiérarchie. Le plus grand danger, c'était lorsqu'un
officiel devenait lyrique. Je me souviens qu'on avait commandé
à David un film de 10 minutes sur les pêcheurs de Jaffa.
Le poète-officier écrivit le commentaire qui commençait
ainsi : "The sea is big. Big is the sea..."
Puis, tant bien que mal, David a réussi à imposer
sa volonté et s'est mis à écrire la narration
lui-même. Malgré une censure latente, il a réussi
à faire en sorte que le style pompeux soit progressivement
abandonné, qu'une légère ironie supplante l'autosatisfaction,
et avec le temps, l'atmosphère générale du
pays s'est transformée. Le dernier pas révolutionnaire
a été le commentaire à la première personne
du singulier, lu par le réalisateur lui-même.
Bien sûr, dans Diary, la question du commentaire se
posait différemment. Elle était, avant tout, conditionnée
par une exigence technique depuis que David, par manque de moyens,
filmait avec une caméra muette. Le son allait être
ajouté plus tard. Aussi, il était libre de dire ce
qu'il voulait, et rédiger un commentaire qui accompagnerait
et enrichirait les images, lui plaisait beaucoup. David écrivait
les textes soit pendant le montage soit après, ce qui lui
laissait du temps pour la réflexion et l'élaboration.
Il préférait ce procédé aux brefs commentaires
effectués pendant le tournage. Il en résulte, je crois,
un dialogue rythmé entre la caméra et le son, ce dernier
faisant partie intégrante des images, créant une intimité
avec les spectateurs. Il n'a jamais prétendu faire de la
littérature. Il travaillait beaucoup chaque phrase, cherchait
la précision plus que la poésie.
Il
disait aimer filmer "frontalement"
Mira
Perlov : David en parle dans le chapitre 1 de Diary.
Pendant la guerre du Kippour, il se trouve à Jérusalem.
Il veut filmer les gens en train de prier devant le Mur des Lamentations.
Le lieu est presque vide, excepté quelques femmes et un gardien
qu'il voit de dos. Il dit : "Je filme le mur avec une prise
d'angle, je vois que ce n'est pas bon. Je le filme en prise frontale,
je vois que c'est bon." Ces deux phrases courtes et tranchées
expriment sa disposition combative. C'est la guerre et tout devient
décisif, essentiel, urgent. Comme si l'on disait, il n'y
a pas de temps pour chercher le bon angle, la prise frontale est
la plus honnête.
Or, c'était aussi un moment qui correspondait à sa
propre guerre en tant que cinéaste, essayant de rendre compte
d'une situation et en même temps, de se documenter. Il commençait
à réaliser un journal filmé, luttant pour trouver
une expression formelle dans le tournage. Le choix de filmer frontalement
devint alors un acte moral et esthétique.
De façon générale, David optait pour une prise
simple et frontale. Il aimait que les gens fussent conscients d'être
filmés, il aimait filmer leur réaction face à
la caméra, faire en sorte qu'ils se sentent à l'aise
et obtenir leur participation. Parfois, il leur demandait de chanter.
Quand la prise était longue, la personne filmée s'habituait
à la caméra. Oubliant sa présence, elle révélait
de plus en plus la vraie expression de son visage.
Diary (1973-1983), Joris Ivens
© Jeff Guess/Re:Voir
Avant
de commencer son "journal filmé", il a réalisé
des fictions, plusieurs documentaires dont À Jérusalem
(1963) qui a été récompensé au Festival
de Venise l'année de sa sortie. Peux-tu nous parler de ce
film, de sa poésie ?
Mira
Perlov : À Jérusalem a eu un impact considérable
à sa sortie, autant dans le petit monde du cinéma
que dans celui, plus vaste, de la culture. Sans doute parce qu'il
était le premier film réalisé en Israël
avec une conception artistique claire et délibérée.
C'était aussi, en effet, le premier film israélien
admis et récompensé au Festival du film de Venise.
Et David en était particulièrement heureux parce que
le président du jury était le grand documentariste
Joris Ivens.
À Jérusalem est composé de différents
épisodes qu'une image récurrente, le tailleur de pierre
travaillant dans les collines environnantes de la ville, relie entre
eux.
Les thèmes abordés dans ces épisodes - la religion,
l'atmosphère spirituelle, le caractère officiel d'une
capitale, l'aspect politique - Jérusalem divisé entre
les Juifs et les Arabes, comme avant la guerre des 6 jours - Jérusalem
moderne
répondaient aux attentes des sponsors qui ont
accepté le script. Cependant, le résultat final a
surpris et choqué les autorités. Tout était
là, mais la manière non conventionnelle de filmer,
d'aborder les thèmes, ne respectait pas le script initial.
David avait choisi de filmer, comme il l'a dit plus tard, au "niveau
du sol", très près des gens. Pas de repères
historiques, ni d'images grandiloquentes. La ville conservait son
caractère symbolique mais en même temps, montrait son
aspect concret, avec un sens poétique et intime, et même
avec humour.
L'une des séquences du film a été censurée
et rejetée: la séquence où Zelda, une poétesse
alors connue, une femme religieuse et très cultivée,
dit ce que Jérusalem signifie pour elle. Elle parle, entre
autres, des nombreux mendiants qui sont dans la ville sainte et
elle raconte une vieille légende qui révèle,
qu'avant l'arrivée du vrai Messie, un autre Messie apparaîtra
et fera partie des mendiants. "Ainsi, quand vous voyez un mendiant,
il se peut qu'il soit le Messie" dit-elle. La légende
dont les officiels n'avaient jamais entendu parlé, les irrita,
et le fait que David ait filmé une série de mendiants
qui corroborait l'histoire de Zelda, les rendit furieux. Ils déclarèrent
que de telles personnes, aussi misérables, n'existaient simplement
pas à Jérusalem.
David a refusé de couper la séquence et finalement
le Premier Ministre, Levy Eshcol, qui avait le sens de l'humour,
a dû arbitrer et a donné sa bénédiction
au film.
Par ailleurs, dans un entretien, David dit que c'était la
première fois depuis son arrivée en Israël qu'il
s'était senti tout à coup chez lui, comme s'il y était
né. Je peux t'assurer qu'il ne faisait pas références
au caractère mythique, symbolique, religieux ou historique
de la ville. Je me souviens que lorsqu'il était encore en
train de préparer le film et qu'il errait dans Jérusalem
pour mieux connaître la ville, il retourna une fois à
Tel Aviv en me disant : "ça me rappelle Rio de Janeiro!".
J'ai ri car je ne pouvais pas imaginer ce qu'il pouvait trouver
de commun entre cette ville entourée de montagnes, aride
et austère, et le chaleureux, tropical et avenant Rio, dont
le bord de mer est sensuel et exubérant. Mais David a seulement
ajouté, "J'ai ressenti ça quand j'étais
dans l'une de ces arrière-cours. Je me sentais à l'aise,
comme un enfant, ayant l'impression d'être dans une cour de
Rio"
Cinéaste,
photographe mais aussi peintre, il a suivi les cours de l'Ecole
Nationale des Beaux-Arts de Paris au début des années
50
Mira
Perlov : Quand j'ai rencontré David (il avait 19 ans),
il partageait son temps entre la peinture et une activité
politique intense. A cette époque, il croyait, comme il le
dira plus tard dans Diary, que "la politique et l'art
pouvaient changer le monde", et c'est ce qui devenait le plus
urgent après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale.
Sa conscience politique lui dictait d'accomplir ses idéaux
socialistes dans un kibboutz en Israël, mais avant, il était
déterminé à passer un an à Paris pour
étudier la peinture. Il y resta 6 ans. Il commença
par entrer aux Beaux-Arts puis étudia avec le peintre juif
hongrois Arpad Szenes, qui l'encouragea chaleureusement et le laissa
utiliser son atelier librement. Néanmoins, à cette
époque, l'abstrait dominait la scène artistique comme
une règle unique et absolue, et David sentit qu'il n'était
pas capable d'adhérer à ce mouvement avec passion.
Il commença à être attiré par le cinéma
- plus réaliste, plus impliqué dans les problèmes
humains, plus sensible aux vibrations du temps. Il commença
à fréquenter la Cinémathèque française
où jour et nuit, il regardait les grands films classiques,
devenant de plus en plus absorbé et fasciné par une
poésie inconnue de lui jusqu'alors.
Cependant, son attirance pour le dessin et la peinture ne l'a jamais
vraiment quitté. Dans la longue période où
il s'est trouvé sans travail, et surtout pendant les interminables
heures d'insomnie, il revenait à son ancienne passion. Il
ne s'est jamais considéré comme un peintre, montrait
très rarement son travail aux autres, mais s'exprimer dans
cette discipline lui était profondément nécessaire.
Dessiner lui servait souvent d'exutoire face aux conflits avec les
institutions, le manque frustrant d'ouverture artistique. Quelques
dessins trouvent refuge dans l'imagination, la fantaisie; quelques
autres tendent vers la caricature, le sarcasme, voire un certain
grotesque ; tout ce qu'il rejetait d'ailleurs dans le cinéma.
Aussi,
l'écriture en langue portugaise, hébraïque, anglaise
ou française s'inscrit dans le dessin, accompagne l'image,
et témoigne notamment de son "appartenance" à
différents pays ou de sa "non-appartenance" (étranger
partout)
Mira
Perlov : En effet, il aimait rajouter de temps en temps une
phrase ou une légende dans ses dessins et utilisait indifféremment
les langues qu'il maitrisait. Par exemple, dans un rapide autoportrait
plutôt caricatural, il se dessine en se mêlant à
l'épaisse fumée de sa cigarette et il écrit
en dessous, cette fois en anglais : "Quelle différence
ça peut faire ?" Dans un autre dessin à l'encre,
avec des couleurs ici ou là, il dessine son visage, calme,
tranquille, un homme totalement différent, et il ajoute "Si
c'était possible". Pendant la guerre du Kippour,
il dessinait beaucoup de silhouettes de soldats. Un de ceux que
j'aime le plus est une silhouette d'un soldat solitaire, vu de dos,
nu, marchant avec sa carabine. C'est un dessin très triste
et l'inscription en portugais accentue ce sentiment : "Sozinho
no campo", "Seul dans le champ".
Un des dessins réalisés à partir des chansons
d'Odetta que David aimait particulièrement était celui
avec l'inscription suivante : "Some people got barrels of
money / some, a ruby red ring / but they haven't got a man like
mine / and they dont know how to sing."
(Certaines personnes ont des tonnes d'argent / d'autres un rubis
rouge / mais il n'ont pas un homme comme le mien / et il ne savent
pas chanter.)
L'écriture
et la lettre (au sens de correspondance) est présente aussi
dans Diary
Mira
Perlov : Les lettres avaient une grande importance pour lui,
enfin pour nous, puisque dès les premières années
de notre vie commune, nous avons vécu séparés
pendant de longues périodes, et comme nous ne pouvions pas
nous permettre d'avoir des conversations téléphoniques,
nous nous écrivions constamment.
David fait référence à l'une de ces lettres
dans la troisième partie de Diary. C'était
son anniversaire et le seul cadeau qu'il reçut (il était
à Paris et moi j'étais encore à Sao Paulo)
était une lettre de moi dans laquelle j'ai copié un
beau poème érotique de Rabindranat Tagore. Dans le
commentaire du film, il dit: "I will write you back the
same poem. Perhaps the poet meant it so : that you write it to me
and that I write it back to you". (je t'écrirai
le même poème. Le poète l'a peut-être
voulu ainsi : que tu me l'écrives et que je te l'écrive
à mon tour).
David aimait beaucoup la lettre au cinéma. Il aimait, par
exemple, la séquence dans Les parapluies de Cherbourg,
quand Catherine Deneuve, enceinte, lit la lettre de son amant qui
est à Alger. Et il parlait souvent d'un des premiers films
qu'il avait vu quand il était encore au Brésil, un
film en Yiddish, intitulé Die briefele der Mamme,
ce qui signifie "La lettre de ma mère".
Ce film parle d'un fils qui quitte l'Europe pour émigrer
en Amérique et dont la mère, qui lui manque beaucoup,
lui envoie des lettres. Si ma mémoire est bonne, il y a un
plan sur l'océan, et en surimpression, l'image de la lettre
qui flotte d'un continent à l'autre.
David
a réalisé son premier film en France
Il a choisi
de faire un court-métrage à partir d'un album de dessins,
faisant appel à Germaine Tailleferre pour la composition
musicale et à Jacques Prévert pour le prologue. Une
uvre où l'image picturale, la musique, la poésie
et le cinéma se mêlent. Une sorte de passage de sa
passion première, la peinture, à la seconde, le cinéma
?
Mira
Perlov : Tante Chinoise et les Autres était en
effet un passage de la peinture au cinéma. David était
très impressionné par les dessins de la jeune Marguerite
Bonnevay. Dans les années 50, il y a eu aussi beaucoup de
films réalisés sur la peinture, comme ceux d'Alain
Resnais, Van Gogh et Guernica. C'était quelque
chose de nouveau qui l'attirait.
Parle-nous
de la Fondation David Perlov, créée en 2004...
Mira
Perlov : La Fondation David Perlov a été créée
avec l'aide de Channel 2-Keshet et la Fondation Jehoshua Rabinowitz
de Tel Aviv afin de transmettre l'oeuvre de David et permettre aux
étudiants en cinéma de développer des projets
de films documentaires.
Chaque année, la Fondation accorde un prix à un candidat
choisi par un jury. Le but est d'encourager une recherche libre
et innovante dans le cinéma documentaire.
Diary,
du film au DVD.
Histoire d'une édition
Par
Pip Chodorov
Pip
Chodorov, cinéaste New-Yorkais à Paris, est aussi
éditeur et distributeur. Les
éditions Re:Voir, qu'il a fondées en 1994, ont
pour vocation d'éditer en vidéo des films expérimentaux,
d'artistes et d'avant-garde. La collection, aujourd'hui riche
de plus de soixante titres, propose aussi bien des classiques
de l'avant-garde (cinéma underground américain :
Maya Deren, Jonas Mekas ou Stan Brakhage, cinéma abstrait
européen : Hans Richter ou Fischinger...) que des films
d'artistes contemporains ayant choisi le cinéma comme lieu
d'expression (Martin Arnold, Stéphane Marti...).
Je pense avoir vu Diary pour la première fois à
Digitale 98 à Köln, lors d'une présentation
par la vidéaste israélienne Irit Batsry. Je ne me
souviens pas très bien de l'événement, mais
les images de Perlov m'ont marqué : sa rencontre avec Klaus
Kinski, sa voix singulière, sa pellicule 16 mm pétillante.
Le style était léger, facile, aéré,
et pourtant profond, personnel et émouvant. Plus tard,
c'est Boris Lehman qui m'a beaucoup parlé de Perlov, de
sa force et de sa grandeur.
En
tant que distributeur et défenseur du cinéma expérimental
et d'avant-garde, je m'efforce de découvrir beaucoup de
films. J'étais ravi d'avoir vu Diary de Perlov,
mais c'était impossible de trouver des copies. J'avais
compris que Perlov était tombé sur les écrits
de Jonas Mekas concernant le cinéma libre et le journal
filmé, sans pour autant avoir vu ses films. Le désespoir
ressenti par Perlov face à l'industrie cinématographique
israélienne l'a sans doute poussé à adopter
l'approche de Mekas.
Le
"journal filmé" est une manière de faire
des films quand on manque de temps ou d'idées. Je ne connaissais
pas ce terme avant de devenir distributeur, et pourtant, j'avais
utilisé ce moyen d'expression. Déjà, à
l'âge de huit ans, je filmais n'importe quoi en 8 mm autour
de la maison, et aujourd'hui je peux parler avec fierté
du journal filmé de mon enfance. Comme quoi, il est difficile
de définir la frontière nette entre le journal filmé
et le n'importe quoi. Le journal filmé remonte aux débuts
du cinéma, aux frères Lumière. Mon catalogue
d'édition de cinéma expérimental est riche
en journaux filmés, car cette pratique est très
prisée par des artistes-cinéastes qui n'ont pas
de comptes à rendre à l'industrie.
Quelques
mois seulement après la mort de Perlov en décembre
2003, le critique, professeur et historien du cinéma israélien
Ariel Schweitzer, que j'avais connu dans les cours de Christian
Metz quinze ans auparavant, m'a présenté Yaël,
l'une des deux filles de David, en visite de Tel Aviv à
Paris. Elle m'a demandé ce qu'il fallait faire avec les
films, et m'a prié de l'aider. Je l'ai encouragé,
sans pour autant m'engager car en règle générale,
j'ai beaucoup trop de projets en même temps. Je voulais
bien l'aider, mais je ne pouvais pas m'investir réellement
sans un délai d'au moins trois ans. Cependant, il faut
toujours soutenir les cinéastes et leur famille, et toujours
avancer. Alors, d'une manière désinvolte, j'ai d'abord
suggéré qu'elle vérifie l'état des
négatifs et qu'elle en tire des copies neuves. J'ai ajouté
qu'elle devrait créer un site web pour promouvoir et faire
connaître l'uvre et l'héritage de son père.
J'ai proposé de montrer deux chapitres lors des séances
régulières de l'association Collectif Jeune Cinéma,
et je l'ai poussé à prospecter une grosse institution
comme le Centre Georges Pompidou pour organiser une rétrospective
complète. Une fois que toutes ces suggestions seraient
réalisées, et je me disais en mon for intérieur
que ça lui prendrait au moins cinq ans, je me suis avancé
en proposant de faire ensuite une sortie en vidéo. Mais
je connaissais mal l'esprit Perlov. Yael a tout noté, et
à mon grand étonnement et désespoir, elle
commençait à accomplir toutes les tâches que
je lui avais données à la vitesse de la lumière.
En
six mois, un site internet, www.davidperlov.com
était en ligne ; le Centre Pompidou, prêt à
tirer des copies neuves et à présenter une rétrospective
qui a attiré beaucoup de monde ; quant à l'édition
vidéo, je redoutais qu'on l'entreprenne plus tôt
que prévu... Et effectivement, Mira Perlov, m'a demandé
de venir tout de suite à Tel Aviv pour travailler sur le
livret que j'avais malheureusement proposé d'éditer.
Elle ne voulait plus attendre ! Paniqué, je ne cessais
d'augmenter le projet - six disques, un coffret avec un livret
de 90 pages en trois langues, les sous-titres en six langues -
afin de gagner un peu de temps sur l'affaire, mais finalement
tout retombait sur moi. Ainsi, les chapitres du livre apparaissaient
; les traductions, les sous-titres arrivaient les uns plus vite
que les autres. Le bruit a couru que le film allait sortir en
DVD. Du coup, on l'a programmé dans plusieurs festivals
pendant l'été. La presse commence à en parler
; la sortie du coffret est annoncée partout. Les journalistes
me demandent des vidéos de visionnement ; je prétends
qu'il n'y en a plus ! J'ai beau essayé de garder secret
ce magnifique film, en vain. Victime de mes propres machinations,
je me suis mis finalement au travail, et voilà : tout sera
prêt, avec un peu de retard, dans quelques semaines.
Dernières
parutions
Par Corinne Amar
Mémoires
/ Correspondances
Sigmund Freud, Lieux, visages, objets. Avant-propos par
Ilse Grubrich-Simitis. Esquisse biographique par K.R. Eissler. Dans
l'ordre chronologique et à partir d'une foisonnante iconographie,
dont une main experte et familière aurait couvert les légendes,
l'ouvrage retrace toute la vie de Freud, depuis la ville natale
de Freiberg - "premier-né d'une jeune mère
et qui a reçu de cet air, de ce sol, ses premières
et indélébiles impressions" - l'adolescence
et les modèles, les années d'apprentissage et les
études de médecine, Paris, Berlin, la naissance de
la psychanalyse, tout son cheminement, les années de guerre,
la maladie, jusqu'à l'exil, à Londres, la mort, en
1939. Freud, mais aussi tout son entourage - parents, amis, disciples
- revivent par la voix puissante des images en noir et blanc, certaines
connues, reconnues, beaucoup d'autres inédites, commentées
par Freud lui-même ; morceaux extraits de sa correspondance,
de ses textes, l'Histoire en filigrane, autobiographie fascinante.
On ne peut que louer le tout, depuis le titre, de J.B. Pontalis,
à l'éclairante mise en pages de Willy Fleckhaus. Éd.
Complexe / Éd. Gallimard, 350 p. 31,50 €.
Bernard
Saladin d'Anglure, Être et renaître inuit, homme,
femme ou chamane. Préface de Claude Lévi-Strauss.
C'est un voyage singulier, en pays Inuit, au nord du cercle polaire
et dans le Nunavut canadien, auquel nous convie l'auteur. Anthropologue
d'origine française, mais Québécois d'adoption,
il explore depuis un demi-siècle, la pensée des Inuits,
leur intimité, faisant chez eux des séjours rapprochés,
parlant leur langue, multipliant les études et les films
documentaires, se concentrant sur cette petite île du bout
du monde qui s'appelle Igloolik et sa communauté. Il évoque,
dans son avant-propos, sa première arrivée dans le
Nord québécois, en 1955, jeune chercheur de 19 ans.
Depuis, toute sa quête a consisté à donner la
parole à ces hommes et ces femmes du grand Nord où
il découvre les mécanismes de fabrication des mythes
et du chamanisme. Ainsi, en une suite de récits polyphoniques
- histoires vécues, recueillies, illustrées, commentées
-, nous raconte-t-il la genèse de la vie humaine, ses relations
ambiguës avec le monde animal et avec les esprits célestes,
la transmutation naturelle des sexes
Où comment s'élaborent
les mythes, leur richesse, leur complexité. Éd. Gallimard,
Le langage des contes, coll. dirigée par Nicole Belmont,
430 p. 28 €.
Eric Valli, Le ciel sera mon toit - avec Sophie Troubac.
"Le voyage a toujours été pour moi accompagné
par l'écriture. Ce livre est tiré des carnets de route
que j'ai rédigés depuis près de trente ans
(
)" Il fait partie de cette race des écrivains
bourlingueurs, il est photographe, aventurier, héritier des
récits des grands voyageurs, soucieux d'être le "témoin
des races oubliés" . Il voyage depuis longtemps "J'ai
commencé à voyager quand j'avais seize ans" et
écrit, au fil de ses rencontres, du Moyen-Orient à
l'Afghanistan, de l'Hymalaya, sa terre d'élection, à
la Thaïlande. Autant de récits, en chapitres courts,
qui disent, avec Sophie Troubac, sa complice dans la réalisation
de ce recueil, les rencontres au bout du monde, la découverte
de peuples ignorées, la vie et les habitudes partagées,
les chasses au musc ou au miel, l'endurance nécessaire, les
attachements, le partage de soi, le don de soi. Éd.Gallimard,
350 p. 18 €.
Paul Cézanne, Correspondance . "J'ai beaucoup
à travailler ; c'est ce qui arrive à tout homme qui
est quelqu'un". Il s'exprimait difficilement, mais étoilait
ses missives d'adolescent de poèmes, était timide
et jaloux de son intimité, privilégiait le travail
acharné, la nature et la solitude, souffrait de ne pas se
voir compris, se défendait mal. Cézanne voulait faire
passer la sensation, c'était son maître-mot. Sa correspondance,
recueillie, annotée et préfacée par John Rewald,
son biographe, riche de 233 lettres, fait découvrir l'artiste
et l'homme, donnant la part large aux lettres de jeunesse, à
toutes celles aussi qu'il écrivit à Emile Zola - son
cadet d'un an, ami le plus cher, depuis les années de collège,
à Aix-en Provence, jusqu'à leur brouille, trente ans
plus tard -, mais aussi à tout un éventail d'autres
destinataires ; Pissaro, Bernard, Ambroise Vollard, le poète
Joachim Gasquet, de jeunes artistes, son fils... Lettres émouvantes,
tant elles semblent spontanées, écrites pour être
lues seules par leurs destinataires. Éd. Grasset, Les Cahiers
Rouges, 425 p. 11,40 €.
Sigmund Freud, Karl Abraham, Correspondance complète 1907-1925.
Traduit de l'allemand, présenté et annoté
par Fernand Cambon.
Freud l'appelle Cher ami et signe Votre fidèle
Freud ; Karl Abraham continuera d'écrire Cher Professeur.
La correspondance entre Freud (1856-1939) et Abraham (1877-1939),
commence en 1907, l'année où K. Abraham, déjà
médecin et initié à la psychanalyse auprès
de Jung, rencontre Freud. Elle s'étend sur près de
vingt ans et comporte cinq-cent et une lettres. Elles témoignent
du parcours de cette rencontre capitale, de cette relation généreuse,
stimulante, enthousiaste, que ces deux hommes auront nouée.
Ils s'entretiennent de leurs passionnants travaux respectifs, de
la progression de la science psychanalytique, de l'importance des
publications ou des rêves de leurs patients, mais aussi d'affaires
privées, scientifiques ou politiques. Karl Abraham meurt
prématurément en décembre 1925. Président
de la Société psychanalytique de Berlin créée
en 1909, il fut, bien au-delà du disciple, et à juste
titre, un intime de Freud et un pilier du mouvement psychanalytique.
Éd. Gallimard, Connaissance de l'inconscient, coll. dirigée
par J.-B. Pontalis, 798 p. 45 €.
Autobiographies
Henry Miller, Les livres de ma vie, autobiographie.
Traduit de l'américain par Jean Rosenthal. "Cet
ouvrage se propose d'embrasser l'histoire de ma vie. Les livres
y seront considérés sous l'angle de leur apport à
la vie." Et Miller d'ajouter: "je suis loin d'avoir
lu autant que l'érudit, le rat de bibliothèque ou
même que l'honnête homme ; et pourtant j'ai lu cent
fois plus que je n'aurais dû." Ainsi commence Les
livres de ma vie - ceux-ci nourrissant celle-là, sans séparation-,
ni fiche de lecture, ni étude critique, mais autobiographie.
Souvenirs vivaces des premières lectures, amour hommage à
Cendrars l'inoubliable, "exhumation des profondeurs de la mémoire"
où passent, avec appétit, amour de la vie et de l'éternité,
sans nul souci de chronologie ou de nationalité, Giono, D.
H. Lawrence, Joyce, Proust, Balzac, Krishnamurti, Rabelais, Nietzsche,
Céline, Dostoïevski... Bibliothèque revisitée,
prétexte nostalgique pour rechercher le temps perdu, faire
revivre les années d'enfance et de jeunesse, la vie théâtrale
à New York, au cours des années 1900. Éd. Gallimard,
coll. L'Imaginaire, 495 p. 7,50 €.
Romans
français
Didier
Decoin, Henri ou Henry, le roman de mon père.
Il fut journaliste de presse écrite avant de se lancer dans
l'écriture et d'être couronné par le Goncourt
en 1977, il devient scénariste au cinéma, puis à
la télévision, il est secrétaire général
de l'Académie Goncourt et le fils du cinéaste Henri
Decoin : sous la forme d'un roman, Didier Decoin retrace, admiratif,
le destin exceptionnel de son père, depuis l'enfance modeste
à Paris et les années comme apprenti fourreur, jusqu'à
la reconnaissance; champion de France de water-polo, journaliste
sportif, romancier, réalisateur, de 1933 à 1964, d'une
quarantaine de films avec les plus grands acteurs, de Danielle Darrieux,
qu'il épousa, à Jean Gabin, Jean Marais...- où
comment Henri devint Henry, après un bref séjour
aux Etats-Unis... Éd. Stock, 300 p. 18 €.
Romans
étrangers
Bernhard
Schlink, L'autre / Der Andere. Traduit de l'allemand
par Bernard Lortholary et Robert Simon, avec une préface
de Pierre Deshusses. Édition bilingue français-allemand.
On reconnaît à l'écrivain, auteur du célèbre
roman Le liseur, un talent certain pour raconter les "amours
en fuite", le tragique ou le cruel de l'existence, quand elle
s'y met. Dans cette nouvelle, un homme ouvre une lettre adressée
à sa femme qui vient de mourir et découvre qu'elle
lui est envoyée par un ancien amant. Il décide de
répondre à cette lettre en se faisant passer pour
l'infidèle, afin de découvrir qui est "l'autre"...
Éd. Gallimard, Collection Folio bilingue, 176 pages + 8 p.
hors texte, 8 €.
Musique
Philémon & Baucis : l'opéra oublié
renaît contre les maladies rares. Personne n'avait entendu
cet opéra depuis 237 ans. Philémon & Baucis a
été recréé par les Talens Lyriques,
sous la direction de Christophe Rousset, à l'occasion d'une
tournée européenne en janvier 2006. Le double CD enregistré
lors du premier concert au Palais des Beaux Arts vient de paraître
chez Ambroisie / naïve. Deux opéras magnifiques, inconnus
jusqu'alors, au bénéfice de la recherche sur les maladies
rares.
Aristeo (CD1) ; Bauci e Filemone (CD2)
Tirés des Feste d'Apollo
Les Talens Lyriques
Chur de Chambre de Namur
Ditte Andersen, Ann Hallenberg, Marie Lenormand, Magnus Staveland
Choeur de Chambre de Namur
Direction : Christophe Rousset
www.philemonetbaucis.com
|
David
Perlov (1930-2003)
Diary
Sous la direction de Mira Perlov et Pip Chodorov
1ère édition, juillet 2006, 69 €
Re-Voir Video
Pour commander le coffret : http://www.re-voir.com/
Sommaire
du
livret qui accompagne les DVD :
Poème
de Nathan Zach
David Perlov: la passion du quotidien, par Ariel Schweitzer
L'oeil de Perlov, par Uri Klein
Un entretien avec David Perlov, par Irma Klein et Uri Klein
Quatre ans après, interview entre David Perlov et Uri
Klein
Le journal de David Perlov, par Talya Halkin
Perlov, Mekas, Morder, Lehman et les autres :
à la recherche d'imprédictibles frémissements
du quotidien, par Dominique Bluher
À propos du bonus My stills 1952/2002
Angelitos Negros, paroles
David
Perlov © Mira Perlov
David
Perlov, Diary 1973-1983
(Biba) © Mira Perlov
Diary
(1973-1983) ©
Mira Perlov
Diary
(1973-1983) ©
Mira Perlov
Diary
(1973-1983), Yael au montage
© Jeff Guess/Re:Voir
Diary
(1973-1983), Yael et Naomi partant à l'armée
© Mira Perlov
Diary
(1973-1983), Yael et Naomi partant à l'armée
© Mira Perlov
[...]
Le regard est au centre de l'oeuvre de Perlov : dans A Jérusalem,
le regard à travers les fissures du mur qui sépare
la ville en deux, dans le même film, le regard posé
sur des enfants qui crient à la caméra : "Prends
ma photo ! Prends ma photo !" ; le regard depuis la fenêtre
de sa maison, qui a donné vie à son oeuvre majeure,
Yoman (Diary), le film le plus important dans l'histoire
du cinéma israélien; le regard vers ses filles jumelles,
Yael et Naomi, qui se regardent dans le miroir avant de partir à
l'armée, puis à l'occasion de leur première
permission, cette fois en uniforme; le regard sur son quartier de
Tel Aviv, sur Paris où il a vécu dans les années
1950, et sur Sao Paulo, la ville de son enfance, sa terre natale,
le Brésil. [...]
URI KLEIN
Haaretz, 19 décembre 2003
(une semaine après la mort de David Perlov)
Diary
(1973-1983), Fela chantant Angelitos Negros
© Mira Perlov
Diary
(1973-1983), Klaus Kinski ©
Mira Perlov
Diary
(1973-1983), Mira
©
Jeff Guess/Re:Voir
My
Stills (2003), ©
Mira Perlov
DESSINS
DAVID PERLOV
David
Perlov, 1952, ©
Mira Perlov
©
Mira Perlov
©
Mira Perlov
©
Mira Perlov
©
Mira Perlov
©
Mira Perlov
Extraits
choisis-David Perlov
Mai
1973, jachète une caméra. Je commence à
filmer moi-même et pour moi-même. Le cinéma professionnel
ne mattire plus. Je filme jour après jour à
la recherche dautre chose. Je cherche avant tout lanonymat.
Il me faut du temps pour
apprendre à le faire.
Diary, 1ère partie (1973-1983)
Qu'est-ce
que je filme ? Quel genre de film ? Un film de famille ? Un journal
?
Diary, 1ère partie
(1973-1983)
L'idée
de faire un journal cinématographique a germé en moi
avant la guerre du Kippour mais pas de manière très
précise. A ce moment-là, j'étais occupé
à faire six films sur des gens qui évoquaient leurs
souvenirs de la guerre d'Indépendance. Un travail de journaliste.
Ces films étaient destinés à la télévision.
C'était la première fois que je travaillais avec une
caméra 16 mm BL, ayant utilisé jusqu'alors une 35
mm qui est une caméra lourde et compliquée, et qui
exige une mise en scène précise. Je me trouvais à
Jérusalem, sur le toit d'une maison pour photographier le
lieu où les Arabes ont fait sauter l'agence juive en utilisant
une voiture piégée. Et tout à coup, une jeune
prostituée apparaît sur le toit - venue d'une autre
planète - et je parle avec elle. J'oubliais presque ce que
j'étais venu faire. Son monologue était impressionnant.
Il était évident qu'avec ma nouvelle petite caméra,
je pouvais facilement la photographier, enregistrer sa voix. Et
je me suis dit "Voilà, c'est ce qu'il faut faire".
Errer avec la caméra en main et filmer. C'est ce que j'avais
fait, déjà, dans A Jérusalem.
Extrait
d'un entretien avec David Perlov, Ouri Klein et Irma Klein, Cinéma,
été 1981, Institut cinématographique d'Israël
et éditions Kibboutz Hameuhad
Lorsque
je filme un journal, le film remplace la vie. C'est une expérience
très forte. Tant que tu es sur la table de montage, le plaisir
est très grand car tu contrôles la vie, ses crises,
ses douleurs. Tu peux la recréer, la fragmenter et surtout,
arriver à une certaine harmonie. Quand tu reviens à
la vie elle-même, tu constates qu'elle est moins harmonieuse
et qu'elle dure plus de six heures.
Extrait
d'une interview entre David Perlov et Uri Klein quatre ans
après
la projection de Diary à Tel Aviv (1993)
Mon
commentaire en voix off détermine la narration. Le
commentaire est un instrument de pensée, non de sens. J'ai
d'abord voulu l'enregistrer sur le lieu même du tournage car
la plupart des phrases sont nées en filmant. Puis, j'ai décidé
de ne pas l'utiliser tel quel, mais de le retravailler en "nettoyant"
les phrases pour qu'elles soient justes sur le plan syntaxique.
Il est donc enregistré en studio, alors que le tournage est
spontané.
Extrait
de propos recueillis en 1996
par Rachel Bileski-Cohen et Baruch Blich.
Je
ne voulais pas faire une antithèse des films réalisés
en Israël mais plutôt m'opposer à la mentalité
générale qui, à cette époque, interdisait
la venue des Beatles. Je croyais fermement en la possibilité
d'un changement et en l'appui que je recevrais de ceux qui me succèderaient.
À
Jerusalem - Extrait d'un entretien avec Uri Klein
Haaretz , 29 sept. 1993
Jérusalem,
contrairement au reste du pays, était éternel avec
la simplicité de l'éternité. Je pense que c'est
dans cette forme de composition que réside le secret du film
: son esthétique a celle du réalisme d'un journal
et son montage essaie d'en rendre le lyrisme. C'est dans sa simplicité
même que le film trouve son lyrisme. J'ai aussi mis l'accent
sur la multiplicité des images. Je voulais ce film aussi
imagé que possible.
Après le film, j'ai dû renoncer à tout espoir
de continuer dans ce sens. Il m'a fallu limiter mes ambitions, puisque
personne ne m'a passé aucune commande. Mais, j'en étais
de toute façon dépendant, je le montre dans Diary.
À
Jerusalem
- Extrait d'un entretien avec Uri Klein
Haaretz , 29 sept. 1993
Liens
et Projections
David Perlov
Liens
Pour
la filmographie complète de David Perlov, consulter le site
http://www.davidperlov.com
Pour
commander le coffret : Re:Voir
video http://www.re-voir.com/
Gallery@re-voir.com
The
film Gallery
David
Perlov, chronique
israélienne d'un cinéaste né au Brésil.
(programme en PDF)
David
Perlov, Rétrospective Centre Pompidou, octobre 2005
Lire
l'article de Valérie
Mrejen publié sur le site de la Fondation La Poste le
27 octobre 2005.
Projections
de Diary
Le
34ème Festival International du Film de La Rochelle
aura lieu du vendredi 30 juin au lundi 10 juillet 2006.
Diary
(chapitre 1) de David Perlov
Mercredi 5 Juillet 2006
16 h, Salle bleue
Présenté par Yael Perlov et Ariel Schweitzer
Jeudi
6 Juillet 2006
17h15, Carré Amelot
Présenté par Yael Perlov et Ariel Schweitzer
Pour
voir les chapitres suivants de Diary consulter les horaires
sur le
site du festival. Lire également l'article
d'Ariel Schweitzer. (critique et historien du cinéma)
http://www.festival-larochelle.org/
Festival
"Etats généraux du film documentaire" de
Lussas (Ardèche) du 20 au 26 août 2006.
Diary
de David Perlov du 22 au 24 août.
Consulter
le programme sur le site du festival
Tante
Chinoise et les autres
de David Perlov (1957)
Par
Nathalie Jungerman
Dessin
de Marguerite Bonnevay, 1892.
© Bonnevay-Jungerman
Dessin
de Marguerite Bonnevay, 1892.
© Bonnevay-Jungerman
Dessin
de Marguerite Bonnevay, 1892.
© Bonnevay-Jungerman
Tante
Chinoise et les autres est le premier film de David Perlov.
C'est un court-métrage de 17 minutes, en couleur, réalisé
en 1957, à partir d'une série de dessins que Marguerite
Bonnevay a faits en 1892. Elle était alors âgée
de 12 ans. Chaque dessin qui mêle l'encre, le crayon et
la gouache, contient des commentaires qu'elle a écrits
avec un regard amusé, caustique, se moquant de la bourgeoisie
de Gonfaron, petit village du Var, où elle avait passé
ses vacances. Morte très jeune, en 1902, Marguerite Bonnevay
était la sur de mon grand-père maternel. Ses
dessins, exceptionnels, tant par leur facture que par leur humour,
leur sarcasme, avaient été conservés par
ma mère Marguerite Bonnevay-Jungerman, chez qui David habitait
dans les années 50 après avoir quitté le
Brésil, et avec qui il étudiait la peinture et la
lithographie aux Beaux-Arts, à Paris.
Un jour, ma mère a montré les dessins de sa tante
à David qui a décidé d'en faire un film.
Tante Chinoise et les autres est tourné en 16 mm
avec la caméra Kodak des années 20 de mon grand-père.
Il a fallu trouver de l'argent pour le film. Abrasza Zehms, ami
de David Perlov et de ma famille, ethnologue ou plus précisément,
ethnographe, qui avait étudié les formes visuelles
de communication des Indiens, connaissait le monde de l'art, et
il était l'ami de nombreuses personnalités.
Abrasza a lancé une souscription pour le film. Plus de
70 personnes, des intellectuels, peintres, poètes, comédiens,
qui, pour certains étaient des survivants de la Seconde
Guerre Mondiale, ont versé de l'argent, tous impressionnés
par les dessins de Marguerite Bonnevay.
On peut lire, sur le document, les autographes du poète
Czeslaw Milosz, de Jeanne Moreau, des peintres Viera Da Silva,
Arpad Szenes, Magnelli, Calder, Maryan, de Mme Picabia, de Claude
Olivenstein, de Jacques Prévert qui a écrit le prologue
du film.
Grâce à Mme Picabia, Abrasza a rencontré Germaine
Tailleferre et l'a présentée à David. Germaine
Tailleferre (1892-1983) était compositeur, membre du Groupe
des Six avec Georges Auric, Darius Milhaud, Francis Poulenc,
Arthur Honegger et Louis Durey. Le Groupe reconnaissait Érik
Satie comme leur père et Jean Cocteau comme porte-parole.
Germaine Tailleferre a accepté de composer la musique du
film Tante Chinoise et les autres. Elle a choisi 5 musiciens
dont le flûtiste Jean-Pierre Rampal. Le chef d'orchestre
était Georges Tzipine.
Germaine Tailleferre a demandé à David la durée
exacte de chaque séquence du film. Elle a composé
la musique très précisément en fonction du
temps imparti. David a monté le film avec une petite machine
rudimentaire, appelée "coupeuse". Il a choisi
de créer une légère désynchronisation
dans la scène du bal, afin que les pas de danse ne soient
pas en parfait accord avec le rythme musical, cassant un peu la
symétrie au profit de la mélodie.
Le British Film Institute a investi de l'argent pour finir le
film.
La première projection de Tante Chinoise et les
autres a été donnée à Londres,
au British Film Institute, le 31 décembre 1957.
Dans cette version originale, les commentaires étaient
dits par le Directeur de l'Institut. Le film a été
applaudi, m'a rapporté Mira Perlov.
Dans la version française, projetée au Centre Pompidou
à l'automne 2005, les commentaires sont dits par l'acteur
et réalisateur Jacques Brunius qui avait notamment joué
dans Partie de Campagne de Jean Renoir.
Tante Chinoise et les autres n'est pas un film d'animation,
mais un court-métrage qui met en scène, grâce
à un subtil travail de montage, des dessins originaux d'une
petite fille née en 1880. Elle avait énormément
d'humour, d'intelligence et un regard critique extraordinaire,
pour son âge et pour l'époque.
David, en filmant ces dessins, en a révélé
toute la charge poétique.
Agenda
Festivals
Le
Festival de la Correspondance 2006 Grignan -
11ème édition
Du
mercredi 5 juillet au dimanche 9 juillet 2006.
Dans
tout le village de Grignan, sont organisés des rencontres
littéraires, des lectures, des lieux d'expositions, des marchés
de lettres ou de cartes postales, des spectacles - adaptations théâtrales
de correspondances et concerts - des ateliers, des animations et
des chambres d'écriture.
Pour sa onzième édition, le Festival de Grignan aborde
le thème des sciences. Les correspondances de Einstein, des
Curie, de Diderot, d'Alembert et Catherine II, de Freud, de Françoise
Dolto, de Leiris, de Segalen ou de Mme du Châtelet
seront
l'occasion d'aborder la physique, les mathématiques, la médecine,
la psychanalyse, l'archéologie, l'ethnologie, le Siècle
des Lumières ainsi que l'art de la composition musicale.
7 juillet, 18h30 - Cour du Tricastin : A l'occasion de la
sortie imminente en DVD des 6 chapitres de Diary de David
Perlov, et d'une rétrospective au 34e Festival international
du film de la Rochelle (30 juin - 10 juillet), nous organisons un
débat au Festival de Grignan avec Yael Perlov, sa
fille, monteuse au cinéma et productrice et Ariel Schweitzer,
critique et historien du cinéma.
Renseignements et billetterie :
04 75 46 55 83
Office du tourisme :
04 75 46 56 75
Tout le programme sur le site du Festival : http://www.festivalcorrespondance-grignan.com/
Avec
le soutien de La Fondation La Poste
Colloque
Archive
épistolaire et histoire
du lundi 14 août au lundi 21 août 2006
au Centre Culturel de Cerisy-la-Salle
Direction du colloque : Lucia BERGAMASCO, Mireille BOSSIS
Le
Centre Culturel International de Cerisy-la-Salle organise, chaque
année, de juin à septembre, dans le cadre accueillant
d'un château du début du XVIIème, monument historique,
une vingtaine de colloques réunissant artistes, chercheurs,
enseignants, mais aussi un vaste public intéréssé
par les questions culturelles et scientifiques. Il compte une forte
proportion d'étrangers attirés par la culture française.
Lundi
14 août
Après-midi:
ACCUEIL DES PARTICIPANTS
Soirée:
Présentation du Centre, des colloques et des participants
Mardi
15 août
Matin & après-midi:
Journée organisé par la direction des Archives
de France et avec leur concours, coordonnée par Françoise
DURAND-EVRARD
Françoise AUJOGUE: Un fonds de correspondance exceptionnel
: les papiers de Jean Guiraud (1866-1953) et de sa famille
Françoise DURAND-EVRARD: Le Fonds Ménie Grégoire
Hélène TAILLEMITE: Lettres de bagnards de Nouvelle
Calédonie
Pierre JUGIE : Problèmes de méthodologie. Lectures
de lettres par Valérie JEANNET, comédienne
Soirée:
En l'honneur et en présence de Ménie
GRÉGOIRE : lectures de lettres par Valérie JEANNET
Mercredi
16 août
Journée accueillie aux Archives départementales
de la Manche à Saint-Lô, par Gilles DÉSIRÉ
DIT GOSSET
Exposition prévue de documents épistolaires
L'Outre-Mer canadien, espace privilégié de l'archive
épistolaire, coordonnée par Raymonde LITALIEN
Raymonde LITALIEN: La correspondance entre le gouverneur, l'intendant
de la Nouvelle-France et le ministre de la Marine
Victorin CHABOT: La correspondance entre la France et le Canada
à l'époque de la guerre de Sept-ans
Guillaume ECKENDORFF: La correspondance des commissaires des classes
à Cherbourg concernant les Acadiens réfugiés
André ZYSBERG: Galères et galériens à
partir de la correspondance administrative de la Marine
Lectures de quelques unes des lettres évoquées
par Valérie JEANNET
Jeudi
17 août
Matin:
Philippe BOSSIS: Pratiques agricoles et Progrès (1760-1780)
: débats épistolaires
Ghyslaine GUERTIN: Échanges sur la musique : la correspondance
Chabanon-Hennin
Après-midi:
Timothy TACKETT:Etude sérielle de la psychologie révolutionnaire
Kenneth LOISELLE: La correspondance entre francs-maçons à
la fin de l'Ancien Régime
Soirée:
Lecture de Ursin et Ernestine (1863-1866)
: adaptation théâtrale de l'ouvrage de Mireille Bossis
par Dominique Brochet, lecture de Rose et Pierre THIÉRY,
descendants et comédiens.
Vendredi
18 août
Matin:
Le Pari biographique: mise en récit de l'épistolaire
? Table ronde. Christine
Après-midi:
REPOS
Soirée:
Lectures de lettres par Valérie
JEANNET
Samedi
19 août
Matin:
Lindsay HOLOWACH: L'éveil d'une conscience feminine au cours
de la Révolution française
André-J. BELANGER: Chronique d'une rupture annoncée
: correspondance entre Auguste Comte et John Stuart Mill
Après-midi:
Irène HERRMANN: A la recherche du passé à travers
les correspondances suisses du XIXe siècle
Hélène QUANQUIN: Lucy Stone et Henry Blackwell : radiographie
d'un couple et droit des femmes
Soirée:
Lectures de lettres par Valérie
JEANNET
Dimanche
20 août
Matin:
Sylvie HOUSIEL: La notion de "consentement à la guerre"
dans le discours epistolaire de la Grande Guerre
Anne-Julie AUVERT: Les lettres de prisons : miroir de nos représentations
socio-culturelles ?
Après-midi:
Susan FOLEY et Charles SOWERWINE: "Je ne peux détacher
mes yeux ni mon cur de cette lettre divine" : la correspondance
amoureuse et politique de Léonie Léon et Léon
Gambetta, 1872-1882
Soirée:
Lectures de lettres par Valérie
JEANNET
Lundi
21 août
Matin:
Lucia BERGAMASCO et Mireille BOSSIS: Conclusion et perspectives
Après-midi: DÉPART DES PARTICIPANTS
Avec
le concours des Archives de France, des Archives du Canada, des
Archives départementales de la Manche, et le soutien de la
Fondation de la Poste.
Culturel International
de Cerisy-la-Salle
Normandie :
50210 Cerisy-la-Salle
Tél. : 02 33 46 91 66 - Fax : 02 33 46 11 39
Paris :
27, rue de Boulainvilliers
75016 Paris
Tél./Fax : 01 45 20 42 03
http://www.ccic-cerisy.asso.fr/
info.cerisy@ccic-cerisy.asso.fr
Lettre
et théâtralité
A propos du colloque de Cerisy
Archive épistolaire et Histoire
par Mireille Bossis
Depuis
quelques années les montages de lettres d'écrivains
ont fait leur entrée au théâtre. La lettre se
veut fragment de conversation avec les mots, tournures de langage
et rythme de parole de l'auteur. On est dans le réel d'un
vécu à peine transformé par l'écriture.
Elle sert de matériau pour confectionner un spectacle qui
met en scène des épisodes de la vie de l'auteur. Le
succès de ce genre de représentation va de pair avec
celui de la biographie. L'énorme correspondance de George
Sand a été très utilisée : sa vie romanesque
s'y prête. La spécialiste que je suis de cet auteur,
n'apprécie guère ces pratiques qui s'apparentent à
la citation tronquée, donc à des manipulations dangereuses,
même si je dois reconnaître qu'il est difficile d'échapper
au charme de certains spectacles- je pense en particulier à
Cher Maître-.
Quel bénéfice l'auteur peut-il tirer de cette "cuisine"
qui ampute, morcelle et change l'agencement de son texte ? J'en
doutais jusqu'à ce qu'une de mes uvres épistolaire
soit confrontée à ce traitement que j'acceptais par
curiosité. J'ai pu constater alors la difficulté du
travail de l'adaptateur qui doit s'immerger dans l'uvre pour
pouvoir en tirer tout l'esprit avec les mots-mêmes de l'auteur
et en donner une représentation en réduction ; il
élimine les répétitions et les scories que
contient toujours plus ou moins toute lettre. Ce travail, outre
le plaisir immédiat qu'il procure, peut inciter à
lire l'uvre pour retrouver sa complexité et sa richesse.
C'est pourquoi pour tempérer l'approche un peu austère
de ce colloque, j'ai souhaité qu'une comédienne prête
sa voix à des lettres inédites afin de leur donner
vie ; que le public soit confronté à une approche
sensible avant d'entendre commentaires et analyses de ces textes
inconnus souvent difficiles à déchiffrer. Malgré
mon hostilité première de chercheur à ces démembrements,
je suis toujours étonnée et séduite lorsqu'une
comédienne lit avec talent une lettre ; même si elle
m'est très familière, chaque mot prend une épaisseur
et une tonalité nouvelle d'être entendue. Malgré
parfois ses maladresses- je pense à la lecture qui sera faite
d'Ursin et Ernestine- la lettre change de statut et c'est
une étrange alchimie qui se produit et que je ne saurais
expliquer. L'historien doit suspendre quelques instants sa distanciation
et son objectivité scientifique pour se réconcilier
avec sa subjectivité. Pourquoi ne pas écouter ces
paroles en "attention flottante" et avec bienveillance
? peut-être sera-t-il étonné du résultat.
Lettre, Histoire, Théâtre peuvent faire bon ménage
: mélangeons les genres et tentons l'expérience...
Les
actions de mécénat de la Fondation La Poste
Fidèle
aux valeurs du groupe La Poste, la Fondation soutient l'expression
écrite en aidant l'édition de correspondance, en favorisant
les manifestations artistiques qui rendent plus vivantes la lettre
et l'écriture, en encourageant les jeunes talents qui associent
texte et musique et en s'engageant en faveur des exclus de l'écriture.
Le
timbre de la Fondation La Poste
création
dElisabeth Maupin © La Poste
MANIFESTATIONS
CULTURELLES
2006
Le Printemps des Poètes (8ème éd) France et
étranger 4 au 12 mars
Exposition " Magritte tout en papier " Fondation Dina
Verny - Musée Maillol / Paris 8 mars au 19 juin
Pierres vivantes (2ème éd.) Bourgogne Mai à
juillet
Festival du Mot (2ème éd.) La Charité sur Loire
14 au 18 juin
Le Marathon des Mots (2ème éd.) Toulouse 15 au 18
juin
Festival "Les Vibrations" (13ème éd.) Flers
22 au 24 juin
Lecture extraits correspondance G. Chaissac (avant première
festival Les Correspondances La Poste Manosque) Musée de
La Poste / Paris 19 juin
Festival d'Aix en Provence et Académie Européenne
de Musique Aix en Provence Juin et juillet
Festival de la Correspondance (10ème éd.) Grignan
5 au 9 juillet
Francofolies (22ème éd.) La Rochelle 13 au 18 Juillet
Festival Brel (19ème éd.) Saint Pierre de Chartreuse
18 au 23 juillet
Colloque "Archives épistolaires et histoire" Centre
Culturel International de Cerisy La Salle 14 au 21 août
Les Correspondances - La Poste Manosque (8ème éd.)
Manosque Septembre 2006
Festival Jacques Brel (6ème éd.) Vesoul Octobre 2006
Les Sévignales (5ème éd.) Vitré Oct
2006 à oct 2007
Prix Wepler - Fondation La Poste (9ème éd.) Paris
Novembre 2006
Spectacle "Camille Claudel 1864-1943" Toulon, Luxeuil
- les - Bains... 17 oct au 19 nov 2006; 17 mars 2007
"Les rencontres de la Nuit" La Poste Batignolles 15 au
17 juin
(Cafés littéraires Montélimar Septembre)
Kaléidoscope Lyon (Opéra) 2006/07 ; 2007/08/09
ETICMAD (avec la DDD) Madagascar
EDITIONS
LITTERAIRES
2006
Comme une lettre à la poste , Roger Duchêne,
Fayard, Mars
Lettres Intimes, une collection dévoilée, Textuel,
Oct
Napoléon Bonaparte Tome 3, Fayard, 24 mai
Napoléon Bonaparte Tome 4, Fayard
Correspondances de et à Diaghilev, L'âge d'homme
Correspondance Auguste Perret Marie Dormoy, Linteau
La route de Mérimée, correspondance et patrimoine,
Huitième Jour
Depuis
le 5 juillet, le site de la Fondation La Poste, www.fondationlaposte.org,
est le premier site du groupe La Poste rendu "accessible"
aux non-voyants.
Rédactrice
en chef : Nathalie Jungerman
Collaboration : Corinne Amar, Mireille Bossis,
Pip Chodorov
ISSN 1777-5639 |