FloriLettres
Lettre d'information culturelle de La Fondation La Poste


Le journal de David Perlov
Diary, 1973-1983

Entretien avec Mira Perlov

numéro 75, édition du 7 juillet 2006

 

David Perlov
© Perlov

Au sommaire   

Éditorial
Entretien avec Mira Perlov
Extraits choisis- David Perlov
Diary.Du film au DVD. Histoire d'une édition (Pip Chodorov)
Liens et Projections - David Perlov

Tante Chinoise et les autres. (Nathalie Jungerman)
Agenda
Lettre et théâtralité
. Colloque de Cerisy (Mireille Bossis)
Dernières parutions
Les actions de la Fondation La Poste

Éditorial

La silhouette de David est une sculpture de Giacometti, tel que Giacometti se représentait lui-même : tout en os, comme sculptés par le vent ; de part et d'autre de la bouche, de profonds sillons, comme gravés à l'eau-forte ; les yeux, bleus. David Perlov a engagé son art dans la voie du dire/vrai cinématographique, filant sa ligne de partage, entre sa vie d'homme et son pays, ses pays.
MICHAEL KUSTOW
ONE IN FOUR, HIVER 1986.


David Perlov nait en 1930, au Brésil, à Rio de Janeiro. Il vient à Paris à l'âge de 22 ans pour étudier la peinture, puis se passionne pour le cinéma, rencontre Henri Langlois dont il devient l'assistant à la Cinémathèque Française, et participe au montage du film de Joris Ivens sur Marc Chagall. En 1958, après avoir réalisé son premier film Tante Chinoise et les Autres à partir des dessins en couleur d'une petite fille née à la fin du dix-neuvième siècle, il émigre en Israël et rejoint sa femme Mira, arrivée quelques années plus tôt de Sao Paulo.
Après treize ans de travail intense, une dizaine de films réalisés non sans conflits avec les institutions de l'Etat, pour qui le cinéma n'était pas un art, David Perlov - libre comme l'écrivain qui a choisi de tenir un journal - commence à filmer avec une caméra 16 mm de la fenêtre de son appartement - "comme à travers le hublot d'un char d'assaut" - dès le début de la guerre du Kippour. D'une conception complètement nouvelle, d'une liberté de forme et de contenu, Diary allait devenir un journal constitué de 6 chapitres d'une heure chacun, filmé pendant 10 ans, 1973-1983, et considéré comme l'œuvre la plus marquante du cinéma documentaire israélien. En 1999, David Perlov recevait le Prix d'Israël qui, pour la première fois, récompensait une œuvre cinématographique.
Diary est tantôt axé sur ce qui se passe à l'intérieur ; la famille, les amis, l'appartement, un quotidien condensé ; et tantôt sur l'extérieur ; les événements politiques du pays, la rue, les passants, les journaux télévisés. La réalité est observée d'un œil à la fois distant et engagé, la voix off, grave et fascinante de David, bouleverse et crée une intimité avec le spectateur.
Les 6 chapitres de Diary ont été projetés en octobre 2005 au Centre Georges Pompidou, en mai dernier à Toulouse et le seront également au Festival International de la Rochelle du 5 au 8 juillet, ainsi qu'au festival "Etats généraux du film documentaire" de Lussas (Ardèche) du 22 au 24 août. Au Festival de la Correspondance de Grignan, cette édition de Florilettres en hommage à David Perlov, fera l'objet d'une présentation publique et d'un entretien en direct avec Yael Perlov, la fille du réalisateur et Ariel Schweitzer, critique et historien du cinéma, le 7 juillet à 18h30.


Par ailleurs, le colloque de Cerisy, Archive épistolaire et Histoire (14-22 août) proposera notamment, des lectures de lettres par la comédienne Valérie Jeannet, en présence de Ménie Grégoire. Mireille Bossis, co-directrice du colloque nous invite ici, à réfléchir à la question de l'adaptation des correspondances au théâtre. "Lettre, Histoire, Théâtre peuvent faire bon ménage : mélangeons les genres et tentons l'expérience..."

Nathalie Jungerman


Entretien avec Mira Perlov.
Propos recueillis et traduits par Nathalie Jungerman

Mira et David Perlov, Diary (1973-1983) © Mira Perlov

N.J. Comment a été envisagé le projet d'éditer les films de David Perlov en DVD ?

Mira Perlov : En octobre dernier, Philippe-Alain Michaud, conservateur cinéma au Centre Georges Pompidou, a présenté une rétrospective des films de David où figuraient les 6 heures de Diary. Considéré depuis des années, comme peut-être, l'un des films les plus marquants du cinéma documentaire israélien, Diary était assez peu connu à l'étranger. Seules quelques projections dans des cinémathèques, musées et universités avaient eu lieu. Le Centre Pompidou nous offrait là une opportunité de faire revivre le film et de le montrer à un public étranger. Donc, nous avons décidé de réaliser une nouvelle copie à partir des négatifs en 16 mm, et en même temps, nous avons envisagé de produire une édition en DVD, traduite en plusieurs langues. Ces opérations sont plutôt onéreuses, comme tout ce qui concerne le cinéma, mais heureusement, le soutien de nombreuses institutions israéliennes nous a permis d'avancer dans notre projet. Nous avons eu également la chance de rencontrer un jeune éditeur et distributeur franco-américain, Pip Chodorov (Re:Voir video éditions), prêt à prendre en main l'édition et la distribution des DVD. Je dis "la chance", car depuis le début, Pip a tout mis en œuvre pour que le produit final soit de grande qualité - une haute définition, un livret conséquent traduit en 3 langues accompagnant les disques, une très belle présentation...

En tant qu'épouse de David et productrice de Diary, peux-tu nous dire comment est venue l'idée de cette œuvre cinématographique commencée peu avant la guerre du Kippour, en mai 1973 ?

Mira Perlov : Au début des années 1970, l'industrie cinématographique en Israël était encore assez sous-développée. Malgré quelques longs métrages déjà réalisés, il n'y avait qu'un petit capital privé. La production documentaire était entièrement sous le contrôle des institutions de l'Etat, principalement dans un but de propagande, de levée de fonds, d'éducation... Les films devaient être "positifs", optimistes, idéalistes. Dans l'ensemble, le cinéma n'était pas considéré comme un art, contrairement à la musique, la littérature ou la peinture ; on demandait au réalisateur de faire un produit qui satisfasse les sponsors, sans aucun caractère personnel ni original, et bien sûr, sans aspiration artistique ni aucune liberté.
Pendant les années soixante, David travaillait avec beaucoup d'énergie, essayant d'outrepasser les institutions étouffantes. Ici et là, il y avait réussi, mais les batailles commençaient à l'épuiser. On lui faisait des éloges, on lui attribuait des prix, mais on lui donnait de moins en moins de travail. Il savait que ce nouveau pays offrait des opportunités exceptionnelles, des sujets excitants, et il voulait les traiter avec profondeur et sensibilité. Par exemple, il avait souhaité faire un long documentaire sur les immigrants qui affluaient par milliers. Il voulait montrer les gens, pas une idéologie. Le projet a été refusé comme la plupart des autres.
Tout ceci a conduit David à chercher autre chose. Il n'était pas homme à s'avouer vaincu, alors il a commencé à réfléchir à la manière dont il pourrait s'exprimer au cinéma, avec moins de ressources, voire des moyens primitifs, mais avec liberté. Il s'est acheté une petite caméra 16 mm, muette, et a commencé à tourner. Dans le premier chapitre de Diary, on découvre ses tous premiers essais. A l'époque, il ignorait encore qu'il était en train de réaliser un journal filmé.
Pour en revenir à ta question : l'idée de Diary est née de ce contexte, d'un réel désespoir, d'une série de déceptions accumulées depuis des années. Mais elle est née également d'un sentiment d'urgence, d'une nécessité et d'un enthousiasme à pouvoir travailler dans une direction totalement nouvelle.
La guerre du Kippour qui a été un événement volcanique dans le pays, a contribué à créer ce fort sentiment d'urgence. Comme le dit plus d'une fois David dans Diary : il sentait que tout devait reprendre à zéro.

Il semble qu'une conversation entre David et André Swartz-Bart ait été déterminante quant au titre donné au film.

Mira Perlov : C'est à Paris, dans les années 50, que nous avons rencontré André, au moment où il était en train d'écrire Le Dernier des Justes. Nous avons même lu une partie de son manuscrit. David et lui ont eu de longues conversations à cette époque, et le rencontrer ici avec sa femme Simone, pendant la guerre du Kippour, était en un sens, un écho à ces lointaines conversations.
Malgré sa passion pour le cinéma et les possibilités remarquables que cet art était en mesure d'offrir, David enviait souvent le travail solitaire de l'écrivain ou du peintre, qui pouvait s'isoler et travailler sans l'appui d'une industrie, de sponsors, ni même d'importants soutiens financiers. Effectivement, David avait parlé avec André de son intention de quitter le cinéma professionnel, d'être capable de réagir vite et sans détours face à la réalité proche, de filmer parfois - ainsi dans le cas d'une guerre - comme un "reporter", pas seulement des événements mais aussi avec sa propre vision des choses. Rendre compte, montrer, mais pas illustrer. Il avait dit à André que la seule chose au cinéma qu'il aimerait faire, était ce que les écrivains pouvaient choisir de faire en littérature, tenir un journal. Et c'est à ce moment-là qu'il a pris la décision claire et nette de réaliser un journal filmé et de l'appeler Diary (Yoman, en hébreu).

On pourrait penser qu'il y a une "recherche proustienne du temps perdu" dans Diary, (David retourne sur les lieux de son passé, "Je suis venu faire la paix avec la ville de mon enfance" dit David dans la 1ère partie...), mais ce serait inexact car les images nous en disent beaucoup sur le présent, le quotidien, l'actualité...

Mira Perlov : Bien sûr, on est parfois tenté de faire de telles comparaisons parce que l'évocation du passé est très forte dans Diary ; le souvenir envahit le présent d'une manière agressive. Néanmoins, il me semble que David essaie de se soustraire au processus de la mémoire, il tente de le maitriser formellement avec l'aide du commentaire qui, même s'il est toujours allusif, est plus direct et objectif. Quand une image est trop évocatrice et étouffante, il en cherche une autre et la remplace par une image plus concrète, plus ouverte.
En tant que réalisateur et documentariste, David évite l'explication psychologique.
Dans l'une de ses dernières interviewes, il disait : "Dans mes films, il n'y a pas de recherche proustienne du temps. Entre Proust et Dickens, je me sens plus proche de Dickens. J'ai lu récemment Les temps difficiles et un passage du livre m'a tellement ému que je l'ai photocopié pour le garder toujours avec moi. Je ne suis pas à la recherche du temps perdu. Quand je retourne au Brésil, je suis là. Le film est la mémoire du présent." Dans Diary, une rencontre avec le souvenir est une rencontre volontaire, choisie. Le tournage n'est pas arbitraire mais contrôlé.

Tout au long des différentes parties du "journal", la figure maternelle est discrètement présente…

Mira Perlov : Quand tu emploies les termes de "figure maternelle", ils m'évoquent une certaine douceur. Mais pour David, c'était tout autre chose. En réalité, il a eu une enfance malheureuse, et les souvenirs qui concernent sa mère et son père n'étaient pas empreints de nostalgie. Ses parents se sont mariés très jeunes et le père a quitté la maison quelques années plus tard. Il avait des petits rôles dans divers films brésiliens, puis il est devenu magicien itinérant. Il a perdu petit à petit tout contact avec la famille. La mère était illettrée et n'avait pas suffisamment d'aptitude psychique et affective pour élever seule les deux fils qu'elle avait à sa charge. Elle s'est remariée avec un champion d'échecs régional, mais cette deuxième noce s'est avérée être aussi malheureuse que la première.
Quand David est retourné au Brésil après une longue absence, il est allé voir la maison où il a passé les dix premières années de sa vie. Il est resté à la regarder de loin, à peine quelques secondes. En parlant de cette maison dans le chapitre 6 de Diary, il résume ainsi : "Folie. Tragédie. Les rats se multipliant nuit après nuit."
David cite de manière récurrente, tout au long de Diary, sa belle-mère noire, Dona Guiomar qui, en réalité, était la femme de ménage. A cette époque, Dona Guiomar était la seule personne avec qui David avait un lien affectif.
Effectivement, la présence de la mère est signalée à plusieurs reprises dans Diary.
Le film commence par ces mots qui apparemment n'ont aucun rapport avec l'image de la mère : "Dans les pays où sévissaient la misère et l'illettrisme, ceux qui ne savaient pas signer de leurs noms avaient deux croix sous leurs photographies - prénom et nom." Une photographie de sa mère avec les deux croix apparaît au chapitre 3. Le même sujet revient au chapitre 5. A la gare de l'Est à Paris, David filme le pont avec ses structures métalliques répétitives en forme de X et il dit, "Pourquoi ces symboles hantent-ils mon esprit ? Cette structure fonctionnelle qui soutient un pont, me rappellera-t-elle toujours une signature ?"
La mère de David est devenue borgne quand David était déjà en Israël. La peur de cette hérédité l'a hanté pendant des années et c'est ce qui apparaît clairement dans la scène chez l'ophtalmologiste au chapitre 2, puis juste après, dans les peintures qui représentent des portraits de borgnes.
Cependant, le lien entre ces différentes séquences n'est pas forcément lisible pour les spectateurs d'autant plus que David reste allusif, comme avec d'autres sujets plus intimes qu'il traite dans le film.

"Etranger ici, étranger là-bas, étranger partout". Peux-tu commenter cette phrase qu'énonce David dans Diary ?

Mira Perlov :

Stranger here, stranger there,
stranger everywhere,
I'd like to go home, honey.
But i'm a stranger also there
.

Etranger ici, étranger là-bas
Etranger partout,
J'aimerais rentrer à la maison, chérie.
Mais là-bas aussi je suis un étranger.

C'est une chanson d'Odetta, la chanteuse noire-américaine. David aimait beaucoup la musique et les paroles de ses chansons, à partir desquelles il a réalisé tout une série de dessins en couleurs. Il écrivait toujours sur le dessin une ou deux phrases de la chanson, par exemple : "I'm not ashamed, ain't that new? I've been living with the Blue" (Je n'ai pas honte, n'est-ce pas nouveau ? Je vis avec le Blues) ; ou "Rich, oh rich men, you dont know what hard time means, (Riches, oh hommes riches, vous ne savez pas ce que les temps difficiles veulent dire) etc…
David avait une grande affinité avec la musique noire et avec les Noirs en général, née bien sûr de sa complicité avec Dona Guiomar, et de l'importante population noire et mulâtre du Brésil. Une autre chanson apparaît trois fois dans Diary, intitulée Angelitos Negros, dans laquelle le poète demande à un peintre d'église pourquoi il n'a jamais peint des petits anges noirs, sachant qu'au Paradis, Dieu les veut aussi.
Mais bien sûr, dans Diary, quand il prononce les mots "étranger ici, étranger là-bas…", il parle de lui-même. Il retourne au Brésil, la terre qu'il aime tant - les gens, la culture, la musique, la nourriture, les odeurs, et soudain il se rend compte qu'il n'appartient plus à ce pays. Il fait également allusion à l'étrangeté existentielle d'être un Juif dont la marginalité le rapproche des Noirs.

Pour lui, le cinéma documentaire et la littérature étaient étroitement liés…

Mira Perlov : Quand David a commencé à faire des documentaires, ici, dans les années soixante, l'élément déterminant d'un film, celui qui comptait réellement pour les sponsors, était le commentaire, ou comme on l'appelle aujourd'hui, la narration. David disait que les Juifs, peuple du verbe, du livre, regardaient les films avec leurs oreilles. Le commentaire ne devait pas seulement véhiculer des informations mais aussi les interpréter et, comme je l'ai déjà mentionné, transmettre l'idéologie, le credo national. Il était rédigé par des officiels qui désiraient plaire à leurs supérieurs hiérarchiques. Et le commentaire n'en finissait pas d'être examiné et approuvé par les différents échelons de la hiérarchie. Le plus grand danger, c'était lorsqu'un officiel devenait lyrique. Je me souviens qu'on avait commandé à David un film de 10 minutes sur les pêcheurs de Jaffa. Le poète-officier écrivit le commentaire qui commençait ainsi : "The sea is big. Big is the sea..."
Puis, tant bien que mal, David a réussi à imposer sa volonté et s'est mis à écrire la narration lui-même. Malgré une censure latente, il a réussi à faire en sorte que le style pompeux soit progressivement abandonné, qu'une légère ironie supplante l'autosatisfaction, et avec le temps, l'atmosphère générale du pays s'est transformée. Le dernier pas révolutionnaire a été le commentaire à la première personne du singulier, lu par le réalisateur lui-même.
Bien sûr, dans Diary, la question du commentaire se posait différemment. Elle était, avant tout, conditionnée par une exigence technique depuis que David, par manque de moyens, filmait avec une caméra muette. Le son allait être ajouté plus tard. Aussi, il était libre de dire ce qu'il voulait, et rédiger un commentaire qui accompagnerait et enrichirait les images, lui plaisait beaucoup. David écrivait les textes soit pendant le montage soit après, ce qui lui laissait du temps pour la réflexion et l'élaboration. Il préférait ce procédé aux brefs commentaires effectués pendant le tournage. Il en résulte, je crois, un dialogue rythmé entre la caméra et le son, ce dernier faisant partie intégrante des images, créant une intimité avec les spectateurs. Il n'a jamais prétendu faire de la littérature. Il travaillait beaucoup chaque phrase, cherchait la précision plus que la poésie.

Il disait aimer filmer "frontalement"…

Mira Perlov : David en parle dans le chapitre 1 de Diary. Pendant la guerre du Kippour, il se trouve à Jérusalem. Il veut filmer les gens en train de prier devant le Mur des Lamentations. Le lieu est presque vide, excepté quelques femmes et un gardien qu'il voit de dos. Il dit : "Je filme le mur avec une prise d'angle, je vois que ce n'est pas bon. Je le filme en prise frontale, je vois que c'est bon." Ces deux phrases courtes et tranchées expriment sa disposition combative. C'est la guerre et tout devient décisif, essentiel, urgent. Comme si l'on disait, il n'y a pas de temps pour chercher le bon angle, la prise frontale est la plus honnête.
Or, c'était aussi un moment qui correspondait à sa propre guerre en tant que cinéaste, essayant de rendre compte d'une situation et en même temps, de se documenter. Il commençait à réaliser un journal filmé, luttant pour trouver une expression formelle dans le tournage. Le choix de filmer frontalement devint alors un acte moral et esthétique.
De façon générale, David optait pour une prise simple et frontale. Il aimait que les gens fussent conscients d'être filmés, il aimait filmer leur réaction face à la caméra, faire en sorte qu'ils se sentent à l'aise et obtenir leur participation. Parfois, il leur demandait de chanter. Quand la prise était longue, la personne filmée s'habituait à la caméra. Oubliant sa présence, elle révélait de plus en plus la vraie expression de son visage.

Diary (1973-1983), Joris Ivens
© Jeff Guess/Re:Voir

Avant de commencer son "journal filmé", il a réalisé des fictions, plusieurs documentaires dont À Jérusalem (1963) qui a été récompensé au Festival de Venise l'année de sa sortie. Peux-tu nous parler de ce film, de sa poésie ?

Mira Perlov : À Jérusalem a eu un impact considérable à sa sortie, autant dans le petit monde du cinéma que dans celui, plus vaste, de la culture. Sans doute parce qu'il était le premier film réalisé en Israël avec une conception artistique claire et délibérée.
C'était aussi, en effet, le premier film israélien admis et récompensé au Festival du film de Venise. Et David en était particulièrement heureux parce que le président du jury était le grand documentariste Joris Ivens.
À Jérusalem est composé de différents épisodes qu'une image récurrente, le tailleur de pierre travaillant dans les collines environnantes de la ville, relie entre eux.
Les thèmes abordés dans ces épisodes - la religion, l'atmosphère spirituelle, le caractère officiel d'une capitale, l'aspect politique - Jérusalem divisé entre les Juifs et les Arabes, comme avant la guerre des 6 jours - Jérusalem moderne… répondaient aux attentes des sponsors qui ont accepté le script. Cependant, le résultat final a surpris et choqué les autorités. Tout était là, mais la manière non conventionnelle de filmer, d'aborder les thèmes, ne respectait pas le script initial. David avait choisi de filmer, comme il l'a dit plus tard, au "niveau du sol", très près des gens. Pas de repères historiques, ni d'images grandiloquentes. La ville conservait son caractère symbolique mais en même temps, montrait son aspect concret, avec un sens poétique et intime, et même avec humour.
L'une des séquences du film a été censurée et rejetée: la séquence où Zelda, une poétesse alors connue, une femme religieuse et très cultivée, dit ce que Jérusalem signifie pour elle. Elle parle, entre autres, des nombreux mendiants qui sont dans la ville sainte et elle raconte une vieille légende qui révèle, qu'avant l'arrivée du vrai Messie, un autre Messie apparaîtra et fera partie des mendiants. "Ainsi, quand vous voyez un mendiant, il se peut qu'il soit le Messie" dit-elle. La légende dont les officiels n'avaient jamais entendu parlé, les irrita, et le fait que David ait filmé une série de mendiants qui corroborait l'histoire de Zelda, les rendit furieux. Ils déclarèrent que de telles personnes, aussi misérables, n'existaient simplement pas à Jérusalem.
David a refusé de couper la séquence et finalement le Premier Ministre, Levy Eshcol, qui avait le sens de l'humour, a dû arbitrer et a donné sa bénédiction au film.
Par ailleurs, dans un entretien, David dit que c'était la première fois depuis son arrivée en Israël qu'il s'était senti tout à coup chez lui, comme s'il y était né. Je peux t'assurer qu'il ne faisait pas références au caractère mythique, symbolique, religieux ou historique de la ville. Je me souviens que lorsqu'il était encore en train de préparer le film et qu'il errait dans Jérusalem pour mieux connaître la ville, il retourna une fois à Tel Aviv en me disant : "ça me rappelle Rio de Janeiro!". J'ai ri car je ne pouvais pas imaginer ce qu'il pouvait trouver de commun entre cette ville entourée de montagnes, aride et austère, et le chaleureux, tropical et avenant Rio, dont le bord de mer est sensuel et exubérant. Mais David a seulement ajouté, "J'ai ressenti ça quand j'étais dans l'une de ces arrière-cours. Je me sentais à l'aise, comme un enfant, ayant l'impression d'être dans une cour de Rio"

Cinéaste, photographe mais aussi peintre, il a suivi les cours de l'Ecole Nationale des Beaux-Arts de Paris au début des années 50…

Mira Perlov : Quand j'ai rencontré David (il avait 19 ans), il partageait son temps entre la peinture et une activité politique intense. A cette époque, il croyait, comme il le dira plus tard dans Diary, que "la politique et l'art pouvaient changer le monde", et c'est ce qui devenait le plus urgent après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Sa conscience politique lui dictait d'accomplir ses idéaux socialistes dans un kibboutz en Israël, mais avant, il était déterminé à passer un an à Paris pour étudier la peinture. Il y resta 6 ans. Il commença par entrer aux Beaux-Arts puis étudia avec le peintre juif hongrois Arpad Szenes, qui l'encouragea chaleureusement et le laissa utiliser son atelier librement. Néanmoins, à cette époque, l'abstrait dominait la scène artistique comme une règle unique et absolue, et David sentit qu'il n'était pas capable d'adhérer à ce mouvement avec passion. Il commença à être attiré par le cinéma - plus réaliste, plus impliqué dans les problèmes humains, plus sensible aux vibrations du temps. Il commença à fréquenter la Cinémathèque française où jour et nuit, il regardait les grands films classiques, devenant de plus en plus absorbé et fasciné par une poésie inconnue de lui jusqu'alors.
Cependant, son attirance pour le dessin et la peinture ne l'a jamais vraiment quitté. Dans la longue période où il s'est trouvé sans travail, et surtout pendant les interminables heures d'insomnie, il revenait à son ancienne passion. Il ne s'est jamais considéré comme un peintre, montrait très rarement son travail aux autres, mais s'exprimer dans cette discipline lui était profondément nécessaire. Dessiner lui servait souvent d'exutoire face aux conflits avec les institutions, le manque frustrant d'ouverture artistique. Quelques dessins trouvent refuge dans l'imagination, la fantaisie; quelques autres tendent vers la caricature, le sarcasme, voire un certain grotesque ; tout ce qu'il rejetait d'ailleurs dans le cinéma.

Aussi, l'écriture en langue portugaise, hébraïque, anglaise ou française s'inscrit dans le dessin, accompagne l'image, et témoigne notamment de son "appartenance" à différents pays ou de sa "non-appartenance" (étranger partout)…

Mira Perlov : En effet, il aimait rajouter de temps en temps une phrase ou une légende dans ses dessins et utilisait indifféremment les langues qu'il maitrisait. Par exemple, dans un rapide autoportrait plutôt caricatural, il se dessine en se mêlant à l'épaisse fumée de sa cigarette et il écrit en dessous, cette fois en anglais : "Quelle différence ça peut faire ?" Dans un autre dessin à l'encre, avec des couleurs ici ou là, il dessine son visage, calme, tranquille, un homme totalement différent, et il ajoute "Si c'était possible". Pendant la guerre du Kippour, il dessinait beaucoup de silhouettes de soldats. Un de ceux que j'aime le plus est une silhouette d'un soldat solitaire, vu de dos, nu, marchant avec sa carabine. C'est un dessin très triste et l'inscription en portugais accentue ce sentiment : "Sozinho no campo", "Seul dans le champ".
Un des dessins réalisés à partir des chansons d'Odetta que David aimait particulièrement était celui avec l'inscription suivante : "Some people got barrels of money / some, a ruby red ring / but they haven't got a man like mine / and they dont know how to sing."

(Certaines personnes ont des tonnes d'argent / d'autres un rubis rouge / mais il n'ont pas un homme comme le mien / et il ne savent pas chanter.)…

L'écriture et la lettre (au sens de correspondance) est présente aussi dans Diary

Mira Perlov : Les lettres avaient une grande importance pour lui, enfin pour nous, puisque dès les premières années de notre vie commune, nous avons vécu séparés pendant de longues périodes, et comme nous ne pouvions pas nous permettre d'avoir des conversations téléphoniques, nous nous écrivions constamment.
David fait référence à l'une de ces lettres dans la troisième partie de Diary. C'était son anniversaire et le seul cadeau qu'il reçut (il était à Paris et moi j'étais encore à Sao Paulo) était une lettre de moi dans laquelle j'ai copié un beau poème érotique de Rabindranat Tagore. Dans le commentaire du film, il dit: "I will write you back the same poem. Perhaps the poet meant it so : that you write it to me and that I write it back to you". (je t'écrirai le même poème. Le poète l'a peut-être voulu ainsi : que tu me l'écrives et que je te l'écrive à mon tour).
David aimait beaucoup la lettre au cinéma. Il aimait, par exemple, la séquence dans Les parapluies de Cherbourg, quand Catherine Deneuve, enceinte, lit la lettre de son amant qui est à Alger. Et il parlait souvent d'un des premiers films qu'il avait vu quand il était encore au Brésil, un film en Yiddish, intitulé Die briefele der Mamme, ce qui signifie "La lettre de ma mère". Ce film parle d'un fils qui quitte l'Europe pour émigrer en Amérique et dont la mère, qui lui manque beaucoup, lui envoie des lettres. Si ma mémoire est bonne, il y a un plan sur l'océan, et en surimpression, l'image de la lettre qui flotte d'un continent à l'autre.

David a réalisé son premier film en France… Il a choisi de faire un court-métrage à partir d'un album de dessins, faisant appel à Germaine Tailleferre pour la composition musicale et à Jacques Prévert pour le prologue. Une œuvre où l'image picturale, la musique, la poésie et le cinéma se mêlent. Une sorte de passage de sa passion première, la peinture, à la seconde, le cinéma ?

Mira Perlov : Tante Chinoise et les Autres était en effet un passage de la peinture au cinéma. David était très impressionné par les dessins de la jeune Marguerite Bonnevay. Dans les années 50, il y a eu aussi beaucoup de films réalisés sur la peinture, comme ceux d'Alain Resnais, Van Gogh et Guernica. C'était quelque chose de nouveau qui l'attirait.

Parle-nous de la Fondation David Perlov, créée en 2004...

Mira Perlov : La Fondation David Perlov a été créée avec l'aide de Channel 2-Keshet et la Fondation Jehoshua Rabinowitz de Tel Aviv afin de transmettre l'oeuvre de David et permettre aux étudiants en cinéma de développer des projets de films documentaires.
Chaque année, la Fondation accorde un prix à un candidat choisi par un jury. Le but est d'encourager une recherche libre et innovante dans le cinéma documentaire.



Diary, du film au DVD. Histoire d'une édition
Par Pip Chodorov

Pip Chodorov, cinéaste New-Yorkais à Paris, est aussi éditeur et distributeur. Les éditions Re:Voir, qu'il a fondées en 1994, ont pour vocation d'éditer en vidéo des films expérimentaux, d'artistes et d'avant-garde. La collection, aujourd'hui riche de plus de soixante titres, propose aussi bien des classiques de l'avant-garde (cinéma underground américain : Maya Deren, Jonas Mekas ou Stan Brakhage, cinéma abstrait européen : Hans Richter ou Fischinger...) que des films d'artistes contemporains ayant choisi le cinéma comme lieu d'expression (Martin Arnold, Stéphane Marti...).

Je pense avoir vu Diary pour la première fois à Digitale 98 à Köln, lors d'une présentation par la vidéaste israélienne Irit Batsry. Je ne me souviens pas très bien de l'événement, mais les images de Perlov m'ont marqué : sa rencontre avec Klaus Kinski, sa voix singulière, sa pellicule 16 mm pétillante. Le style était léger, facile, aéré, et pourtant profond, personnel et émouvant. Plus tard, c'est Boris Lehman qui m'a beaucoup parlé de Perlov, de sa force et de sa grandeur.

En tant que distributeur et défenseur du cinéma expérimental et d'avant-garde, je m'efforce de découvrir beaucoup de films. J'étais ravi d'avoir vu Diary de Perlov, mais c'était impossible de trouver des copies. J'avais compris que Perlov était tombé sur les écrits de Jonas Mekas concernant le cinéma libre et le journal filmé, sans pour autant avoir vu ses films. Le désespoir ressenti par Perlov face à l'industrie cinématographique israélienne l'a sans doute poussé à adopter l'approche de Mekas.

Le "journal filmé" est une manière de faire des films quand on manque de temps ou d'idées. Je ne connaissais pas ce terme avant de devenir distributeur, et pourtant, j'avais utilisé ce moyen d'expression. Déjà, à l'âge de huit ans, je filmais n'importe quoi en 8 mm autour de la maison, et aujourd'hui je peux parler avec fierté du journal filmé de mon enfance. Comme quoi, il est difficile de définir la frontière nette entre le journal filmé et le n'importe quoi. Le journal filmé remonte aux débuts du cinéma, aux frères Lumière. Mon catalogue d'édition de cinéma expérimental est riche en journaux filmés, car cette pratique est très prisée par des artistes-cinéastes qui n'ont pas de comptes à rendre à l'industrie.

Quelques mois seulement après la mort de Perlov en décembre 2003, le critique, professeur et historien du cinéma israélien Ariel Schweitzer, que j'avais connu dans les cours de Christian Metz quinze ans auparavant, m'a présenté Yaël, l'une des deux filles de David, en visite de Tel Aviv à Paris. Elle m'a demandé ce qu'il fallait faire avec les films, et m'a prié de l'aider. Je l'ai encouragé, sans pour autant m'engager car en règle générale, j'ai beaucoup trop de projets en même temps. Je voulais bien l'aider, mais je ne pouvais pas m'investir réellement sans un délai d'au moins trois ans. Cependant, il faut toujours soutenir les cinéastes et leur famille, et toujours avancer. Alors, d'une manière désinvolte, j'ai d'abord suggéré qu'elle vérifie l'état des négatifs et qu'elle en tire des copies neuves. J'ai ajouté qu'elle devrait créer un site web pour promouvoir et faire connaître l'œuvre et l'héritage de son père. J'ai proposé de montrer deux chapitres lors des séances régulières de l'association Collectif Jeune Cinéma, et je l'ai poussé à prospecter une grosse institution comme le Centre Georges Pompidou pour organiser une rétrospective complète. Une fois que toutes ces suggestions seraient réalisées, et je me disais en mon for intérieur que ça lui prendrait au moins cinq ans, je me suis avancé en proposant de faire ensuite une sortie en vidéo. Mais je connaissais mal l'esprit Perlov. Yael a tout noté, et à mon grand étonnement et désespoir, elle commençait à accomplir toutes les tâches que je lui avais données à la vitesse de la lumière.

En six mois, un site internet, www.davidperlov.com était en ligne ; le Centre Pompidou, prêt à tirer des copies neuves et à présenter une rétrospective qui a attiré beaucoup de monde ; quant à l'édition vidéo, je redoutais qu'on l'entreprenne plus tôt que prévu... Et effectivement, Mira Perlov, m'a demandé de venir tout de suite à Tel Aviv pour travailler sur le livret que j'avais malheureusement proposé d'éditer. Elle ne voulait plus attendre ! Paniqué, je ne cessais d'augmenter le projet - six disques, un coffret avec un livret de 90 pages en trois langues, les sous-titres en six langues - afin de gagner un peu de temps sur l'affaire, mais finalement tout retombait sur moi. Ainsi, les chapitres du livre apparaissaient ; les traductions, les sous-titres arrivaient les uns plus vite que les autres. Le bruit a couru que le film allait sortir en DVD. Du coup, on l'a programmé dans plusieurs festivals pendant l'été. La presse commence à en parler ; la sortie du coffret est annoncée partout. Les journalistes me demandent des vidéos de visionnement ; je prétends qu'il n'y en a plus ! J'ai beau essayé de garder secret ce magnifique film, en vain. Victime de mes propres machinations, je me suis mis finalement au travail, et voilà : tout sera prêt, avec un peu de retard, dans quelques semaines.


Dernières parutions
Par Corinne Amar

Mémoires / Correspondances

Sigmund Freud, Lieux, visages, objets. Avant-propos par Ilse Grubrich-Simitis. Esquisse biographique par K.R. Eissler. Dans l'ordre chronologique et à partir d'une foisonnante iconographie, dont une main experte et familière aurait couvert les légendes, l'ouvrage retrace toute la vie de Freud, depuis la ville natale de Freiberg - "premier-né d'une jeune mère et qui a reçu de cet air, de ce sol, ses premières et indélébiles impressions" - l'adolescence et les modèles, les années d'apprentissage et les études de médecine, Paris, Berlin, la naissance de la psychanalyse, tout son cheminement, les années de guerre, la maladie, jusqu'à l'exil, à Londres, la mort, en 1939. Freud, mais aussi tout son entourage - parents, amis, disciples - revivent par la voix puissante des images en noir et blanc, certaines connues, reconnues, beaucoup d'autres inédites, commentées par Freud lui-même ; morceaux extraits de sa correspondance, de ses textes, l'Histoire en filigrane, autobiographie fascinante. On ne peut que louer le tout, depuis le titre, de J.B. Pontalis, à l'éclairante mise en pages de Willy Fleckhaus. Éd. Complexe / Éd. Gallimard, 350 p. 31,50 €.

Bernard Saladin d'Anglure, Être et renaître inuit, homme, femme ou chamane. Préface de Claude Lévi-Strauss. C'est un voyage singulier, en pays Inuit, au nord du cercle polaire et dans le Nunavut canadien, auquel nous convie l'auteur. Anthropologue d'origine française, mais Québécois d'adoption, il explore depuis un demi-siècle, la pensée des Inuits, leur intimité, faisant chez eux des séjours rapprochés, parlant leur langue, multipliant les études et les films documentaires, se concentrant sur cette petite île du bout du monde qui s'appelle Igloolik et sa communauté. Il évoque, dans son avant-propos, sa première arrivée dans le Nord québécois, en 1955, jeune chercheur de 19 ans. Depuis, toute sa quête a consisté à donner la parole à ces hommes et ces femmes du grand Nord où il découvre les mécanismes de fabrication des mythes et du chamanisme. Ainsi, en une suite de récits polyphoniques - histoires vécues, recueillies, illustrées, commentées -, nous raconte-t-il la genèse de la vie humaine, ses relations ambiguës avec le monde animal et avec les esprits célestes, la transmutation naturelle des sexes… Où comment s'élaborent les mythes, leur richesse, leur complexité. Éd. Gallimard, Le langage des contes, coll. dirigée par Nicole Belmont, 430 p. 28 €.

Eric Valli, Le ciel sera mon toit - avec Sophie Troubac. "Le voyage a toujours été pour moi accompagné par l'écriture. Ce livre est tiré des carnets de route que j'ai rédigés depuis près de trente ans (…)" Il fait partie de cette race des écrivains bourlingueurs, il est photographe, aventurier, héritier des récits des grands voyageurs, soucieux d'être le "témoin des races oubliés" . Il voyage depuis longtemps "J'ai commencé à voyager quand j'avais seize ans" et écrit, au fil de ses rencontres, du Moyen-Orient à l'Afghanistan, de l'Hymalaya, sa terre d'élection, à la Thaïlande. Autant de récits, en chapitres courts, qui disent, avec Sophie Troubac, sa complice dans la réalisation de ce recueil, les rencontres au bout du monde, la découverte de peuples ignorées, la vie et les habitudes partagées, les chasses au musc ou au miel, l'endurance nécessaire, les attachements, le partage de soi, le don de soi. Éd.Gallimard, 350 p. 18 €.

Paul Cézanne, Correspondance . "J'ai beaucoup à travailler ; c'est ce qui arrive à tout homme qui est quelqu'un". Il s'exprimait difficilement, mais étoilait ses missives d'adolescent de poèmes, était timide et jaloux de son intimité, privilégiait le travail acharné, la nature et la solitude, souffrait de ne pas se voir compris, se défendait mal. Cézanne voulait faire passer la sensation, c'était son maître-mot. Sa correspondance, recueillie, annotée et préfacée par John Rewald, son biographe, riche de 233 lettres, fait découvrir l'artiste et l'homme, donnant la part large aux lettres de jeunesse, à toutes celles aussi qu'il écrivit à Emile Zola - son cadet d'un an, ami le plus cher, depuis les années de collège, à Aix-en Provence, jusqu'à leur brouille, trente ans plus tard -, mais aussi à tout un éventail d'autres destinataires ; Pissaro, Bernard, Ambroise Vollard, le poète Joachim Gasquet, de jeunes artistes, son fils... Lettres émouvantes, tant elles semblent spontanées, écrites pour être lues seules par leurs destinataires. Éd. Grasset, Les Cahiers Rouges, 425 p. 11,40 €.

Sigmund Freud, Karl Abraham, Correspondance complète 1907-1925. Traduit de l'allemand, présenté et annoté par Fernand Cambon.
Freud l'appelle Cher ami et signe Votre fidèle Freud ; Karl Abraham continuera d'écrire Cher Professeur. La correspondance entre Freud (1856-1939) et Abraham (1877-1939), commence en 1907, l'année où K. Abraham, déjà médecin et initié à la psychanalyse auprès de Jung, rencontre Freud. Elle s'étend sur près de vingt ans et comporte cinq-cent et une lettres. Elles témoignent du parcours de cette rencontre capitale, de cette relation généreuse, stimulante, enthousiaste, que ces deux hommes auront nouée. Ils s'entretiennent de leurs passionnants travaux respectifs, de la progression de la science psychanalytique, de l'importance des publications ou des rêves de leurs patients, mais aussi d'affaires privées, scientifiques ou politiques. Karl Abraham meurt prématurément en décembre 1925. Président de la Société psychanalytique de Berlin créée en 1909, il fut, bien au-delà du disciple, et à juste titre, un intime de Freud et un pilier du mouvement psychanalytique. Éd. Gallimard, Connaissance de l'inconscient, coll. dirigée par J.-B. Pontalis, 798 p. 45 €.

Autobiographies

Henry Miller, Les livres de ma vie, autobiographie. Traduit de l'américain par Jean Rosenthal. "Cet ouvrage se propose d'embrasser l'histoire de ma vie. Les livres y seront considérés sous l'angle de leur apport à la vie." Et Miller d'ajouter: "je suis loin d'avoir lu autant que l'érudit, le rat de bibliothèque ou même que l'honnête homme ; et pourtant j'ai lu cent fois plus que je n'aurais dû." Ainsi commence Les livres de ma vie - ceux-ci nourrissant celle-là, sans séparation-, ni fiche de lecture, ni étude critique, mais autobiographie. Souvenirs vivaces des premières lectures, amour hommage à Cendrars l'inoubliable, "exhumation des profondeurs de la mémoire" où passent, avec appétit, amour de la vie et de l'éternité, sans nul souci de chronologie ou de nationalité, Giono, D. H. Lawrence, Joyce, Proust, Balzac, Krishnamurti, Rabelais, Nietzsche, Céline, Dostoïevski... Bibliothèque revisitée, prétexte nostalgique pour rechercher le temps perdu, faire revivre les années d'enfance et de jeunesse, la vie théâtrale à New York, au cours des années 1900. Éd. Gallimard, coll. L'Imaginaire, 495 p. 7,50 €.

Romans français

Didier Decoin, Henri ou Henry, le roman de mon père. Il fut journaliste de presse écrite avant de se lancer dans l'écriture et d'être couronné par le Goncourt en 1977, il devient scénariste au cinéma, puis à la télévision, il est secrétaire général de l'Académie Goncourt et le fils du cinéaste Henri Decoin : sous la forme d'un roman, Didier Decoin retrace, admiratif, le destin exceptionnel de son père, depuis l'enfance modeste à Paris et les années comme apprenti fourreur, jusqu'à la reconnaissance; champion de France de water-polo, journaliste sportif, romancier, réalisateur, de 1933 à 1964, d'une quarantaine de films avec les plus grands acteurs, de Danielle Darrieux, qu'il épousa, à Jean Gabin, Jean Marais...- où comment Henri devint Henry, après un bref séjour aux Etats-Unis... Éd. Stock, 300 p. 18 €.

Romans étrangers

Bernhard Schlink, L'autre / Der Andere. Traduit de l'allemand par Bernard Lortholary et Robert Simon, avec une préface de Pierre Deshusses. Édition bilingue français-allemand. On reconnaît à l'écrivain, auteur du célèbre roman Le liseur, un talent certain pour raconter les "amours en fuite", le tragique ou le cruel de l'existence, quand elle s'y met. Dans cette nouvelle, un homme ouvre une lettre adressée à sa femme qui vient de mourir et découvre qu'elle lui est envoyée par un ancien amant. Il décide de répondre à cette lettre en se faisant passer pour l'infidèle, afin de découvrir qui est "l'autre"... Éd. Gallimard, Collection Folio bilingue, 176 pages + 8 p. hors texte, 8 €.

Musique

Philémon & Baucis : l'opéra oublié renaît contre les maladies rares. Personne n'avait entendu cet opéra depuis 237 ans. Philémon & Baucis a été recréé par les Talens Lyriques, sous la direction de Christophe Rousset, à l'occasion d'une tournée européenne en janvier 2006. Le double CD enregistré lors du premier concert au Palais des Beaux Arts vient de paraître chez Ambroisie / naïve. Deux opéras magnifiques, inconnus jusqu'alors, au bénéfice de la recherche sur les maladies rares.
Aristeo (CD1) ; Bauci e Filemone (CD2)
Tirés des Feste d'Apollo
Les Talens Lyriques
Chœur de Chambre de Namur
Ditte Andersen, Ann Hallenberg, Marie Lenormand, Magnus Staveland
Choeur de Chambre de Namur
Direction : Christophe Rousset
www.philemonetbaucis.com

 

David Perlov (1930-2003)
Diary
Sous la direction de Mira Perlov et Pip Chodorov

1ère édition, juillet 2006, 69 €
Re-Voir Video
Pour commander le coffret : http://www.re-voir.com/

Sommaire du livret qui accompagne les DVD :

Poème de Nathan Zach
David Perlov: la passion du quotidien, par Ariel Schweitzer
L'oeil de Perlov, par Uri Klein
Un entretien avec David Perlov, par Irma Klein et Uri Klein
Quatre ans après, interview entre David Perlov et Uri Klein
Le journal de David Perlov, par Talya Halkin
Perlov, Mekas, Morder, Lehman et les autres :
à la recherche d'imprédictibles frémissements du quotidien,
par Dominique Bluher
À propos du bonus My stills 1952/2002
Angelitos Negros, paroles


David Perlov © Mira Perlov

David Perlov, Diary 1973-1983 (Biba) © Mira Perlov

Diary (1973-1983) © Mira Perlov

Diary (1973-1983) © Mira Perlov

Diary (1973-1983), Yael au montage
© Jeff Guess/Re:Voir

Diary (1973-1983), Yael et Naomi partant à l'armée
© Mira Perlov

Diary (1973-1983), Yael et Naomi partant à l'armée
© Mira Perlov

[...] Le regard est au centre de l'oeuvre de Perlov : dans A Jérusalem, le regard à travers les fissures du mur qui sépare la ville en deux, dans le même film, le regard posé sur des enfants qui crient à la caméra : "Prends ma photo ! Prends ma photo !" ; le regard depuis la fenêtre de sa maison, qui a donné vie à son oeuvre majeure, Yoman (Diary), le film le plus important dans l'histoire du cinéma israélien; le regard vers ses filles jumelles, Yael et Naomi, qui se regardent dans le miroir avant de partir à l'armée, puis à l'occasion de leur première permission, cette fois en uniforme; le regard sur son quartier de Tel Aviv, sur Paris où il a vécu dans les années 1950, et sur Sao Paulo, la ville de son enfance, sa terre natale, le Brésil. [...]
URI KLEIN

Haaretz, 19 décembre 2003
(une semaine après la mort de David Perlov)

Diary (1973-1983), Fela chantant Angelitos Negros
© Mira Perlov

Diary (1973-1983), Klaus Kinski © Mira Perlov

Diary (1973-1983), Mira © Jeff Guess/Re:Voir

My Stills (2003), © Mira Perlov


DESSINS
DAVID PERLOV

David Perlov, 1952, © Mira Perlov

© Mira Perlov

© Mira Perlov

© Mira Perlov

© Mira Perlov

© Mira Perlov


Extraits choisis-David Perlov

Mai 1973, j’achète une caméra. Je commence à filmer moi-même et pour moi-même. Le cinéma professionnel ne m’attire plus. Je filme jour après jour à la recherche d’autre chose. Je cherche avant tout l’anonymat. Il me faut du temps pour
apprendre à le faire.
Diary, 1ère partie (1973-1983)


Qu'est-ce que je filme ? Quel genre de film ? Un film de famille ? Un journal ?
Diary, 1ère partie (1973-1983)


L'idée de faire un journal cinématographique a germé en moi avant la guerre du Kippour mais pas de manière très précise. A ce moment-là, j'étais occupé à faire six films sur des gens qui évoquaient leurs souvenirs de la guerre d'Indépendance. Un travail de journaliste. Ces films étaient destinés à la télévision. C'était la première fois que je travaillais avec une caméra 16 mm BL, ayant utilisé jusqu'alors une 35 mm qui est une caméra lourde et compliquée, et qui exige une mise en scène précise. Je me trouvais à Jérusalem, sur le toit d'une maison pour photographier le lieu où les Arabes ont fait sauter l'agence juive en utilisant une voiture piégée. Et tout à coup, une jeune prostituée apparaît sur le toit - venue d'une autre planète - et je parle avec elle. J'oubliais presque ce que j'étais venu faire. Son monologue était impressionnant. Il était évident qu'avec ma nouvelle petite caméra, je pouvais facilement la photographier, enregistrer sa voix. Et je me suis dit "Voilà, c'est ce qu'il faut faire". Errer avec la caméra en main et filmer. C'est ce que j'avais fait, déjà, dans A Jérusalem.
Extrait d'un entretien avec David Perlov, Ouri Klein et Irma Klein, Cinéma, été 1981, Institut cinématographique d'Israël et éditions Kibboutz Hameuhad


Lorsque je filme un journal, le film remplace la vie. C'est une expérience très forte. Tant que tu es sur la table de montage, le plaisir est très grand car tu contrôles la vie, ses crises, ses douleurs. Tu peux la recréer, la fragmenter et surtout, arriver à une certaine harmonie. Quand tu reviens à la vie elle-même, tu constates qu'elle est moins harmonieuse et qu'elle dure plus de six heures.
Extrait d'une interview entre David Perlov et Uri Klein quatre ans
après la projection de Diary à Tel Aviv (1993)


Mon commentaire en voix off détermine la narration. Le commentaire est un instrument de pensée, non de sens. J'ai d'abord voulu l'enregistrer sur le lieu même du tournage car la plupart des phrases sont nées en filmant. Puis, j'ai décidé de ne pas l'utiliser tel quel, mais de le retravailler en "nettoyant" les phrases pour qu'elles soient justes sur le plan syntaxique. Il est donc enregistré en studio, alors que le tournage est spontané.
Extrait de propos recueillis en 1996
par Rachel Bileski-Cohen et Baruch Blich.


Je ne voulais pas faire une antithèse des films réalisés en Israël mais plutôt m'opposer à la mentalité générale qui, à cette époque, interdisait la venue des Beatles. Je croyais fermement en la possibilité d'un changement et en l'appui que je recevrais de ceux qui me succèderaient.
À Jerusalem - Extrait d'un entretien avec Uri Klein
Haaretz , 29 sept. 1993


Jérusalem, contrairement au reste du pays, était éternel avec la simplicité de l'éternité. Je pense que c'est dans cette forme de composition que réside le secret du film : son esthétique a celle du réalisme d'un journal et son montage essaie d'en rendre le lyrisme. C'est dans sa simplicité même que le film trouve son lyrisme. J'ai aussi mis l'accent sur la multiplicité des images. Je voulais ce film aussi imagé que possible.
Après le film, j'ai dû renoncer à tout espoir de continuer dans ce sens. Il m'a fallu limiter mes ambitions, puisque personne ne m'a passé aucune commande. Mais, j'en étais de toute façon dépendant, je le montre dans Diary.
À Jerusalem - Extrait d'un entretien avec Uri Klein
Haaretz , 29 sept. 1993


Liens et Projections
David Perlov

Liens

 

Pour la filmographie complète de David Perlov, consulter le site http://www.davidperlov.com

Pour commander le coffret : Re:Voir video http://www.re-voir.com/
Gallery@re-voir.com

The film Gallery

David Perlov, chronique israélienne d'un cinéaste né au Brésil. (programme en PDF)

David Perlov, Rétrospective Centre Pompidou, octobre 2005

Lire l'article de Valérie Mrejen publié sur le site de la Fondation La Poste le 27 octobre 2005.


Projections de Diary

Le 34ème Festival International du Film de La Rochelle aura lieu du vendredi 30 juin au lundi 10 juillet 2006.

 

Diary (chapitre 1) de David Perlov
Mercredi 5 Juillet 2006
16 h, Salle bleue
Présenté par Yael Perlov et Ariel Schweitzer

Jeudi 6 Juillet 2006
17h15, Carré Amelot
Présenté par Yael Perlov et Ariel Schweitzer

Pour voir les chapitres suivants de Diary consulter les horaires sur le site du festival. Lire également l'article d'Ariel Schweitzer. (critique et historien du cinéma)
http://www.festival-larochelle.org/


Festival "Etats généraux du film documentaire" de Lussas (Ardèche) du 20 au 26 août 2006.

 

Diary de David Perlov du 22 au 24 août.
Consulter le programme sur le site du festival


 

Tante Chinoise et les autres
de David Perlov (1957)
Par Nathalie Jungerman

Dessin de Marguerite Bonnevay, 1892.
© Bonnevay-Jungerman

Dessin de Marguerite Bonnevay, 1892.
© Bonnevay-Jungerman

Dessin de Marguerite Bonnevay, 1892.
© Bonnevay-Jungerman

Tante Chinoise et les autres est le premier film de David Perlov.
C'est un court-métrage de 17 minutes, en couleur, réalisé en 1957, à partir d'une série de dessins que Marguerite Bonnevay a faits en 1892. Elle était alors âgée de 12 ans. Chaque dessin qui mêle l'encre, le crayon et la gouache, contient des commentaires qu'elle a écrits avec un regard amusé, caustique, se moquant de la bourgeoisie de Gonfaron, petit village du Var, où elle avait passé ses vacances. Morte très jeune, en 1902, Marguerite Bonnevay était la sœur de mon grand-père maternel. Ses dessins, exceptionnels, tant par leur facture que par leur humour, leur sarcasme, avaient été conservés par ma mère Marguerite Bonnevay-Jungerman, chez qui David habitait dans les années 50 après avoir quitté le Brésil, et avec qui il étudiait la peinture et la lithographie aux Beaux-Arts, à Paris.
Un jour, ma mère a montré les dessins de sa tante à David qui a décidé d'en faire un film.
Tante Chinoise et les autres est tourné en 16 mm avec la caméra Kodak des années 20 de mon grand-père.
Il a fallu trouver de l'argent pour le film. Abrasza Zehms, ami de David Perlov et de ma famille, ethnologue ou plus précisément, ethnographe, qui avait étudié les formes visuelles de communication des Indiens, connaissait le monde de l'art, et il était l'ami de nombreuses personnalités.
Abrasza a lancé une souscription pour le film. Plus de 70 personnes, des intellectuels, peintres, poètes, comédiens, qui, pour certains étaient des survivants de la Seconde Guerre Mondiale, ont versé de l'argent, tous impressionnés par les dessins de Marguerite Bonnevay.
On peut lire, sur le document, les autographes du poète Czeslaw Milosz, de Jeanne Moreau, des peintres Viera Da Silva, Arpad Szenes, Magnelli, Calder, Maryan, de Mme Picabia, de Claude Olivenstein, de Jacques Prévert qui a écrit le prologue du film.
Grâce à Mme Picabia, Abrasza a rencontré Germaine Tailleferre et l'a présentée à David. Germaine Tailleferre (1892-1983) était compositeur, membre du Groupe des Six avec Georges Auric, Darius Milhaud, Francis Poulenc, Arthur Honegger et Louis Durey. Le Groupe reconnaissait Érik Satie comme leur père et Jean Cocteau comme porte-parole.
Germaine Tailleferre a accepté de composer la musique du film Tante Chinoise et les autres. Elle a choisi 5 musiciens dont le flûtiste Jean-Pierre Rampal. Le chef d'orchestre était Georges Tzipine.
Germaine Tailleferre a demandé à David la durée exacte de chaque séquence du film. Elle a composé la musique très précisément en fonction du temps imparti. David a monté le film avec une petite machine rudimentaire, appelée "coupeuse". Il a choisi de créer une légère désynchronisation dans la scène du bal, afin que les pas de danse ne soient pas en parfait accord avec le rythme musical, cassant un peu la symétrie au profit de la mélodie.
Le British Film Institute a investi de l'argent pour finir le film.
La première projection de Tante Chinoise et les autres a été donnée à Londres, au British Film Institute, le 31 décembre 1957.
Dans cette version originale, les commentaires étaient dits par le Directeur de l'Institut. Le film a été applaudi, m'a rapporté Mira Perlov.
Dans la version française, projetée au Centre Pompidou à l'automne 2005, les commentaires sont dits par l'acteur et réalisateur Jacques Brunius qui avait notamment joué dans Partie de Campagne de Jean Renoir.
Tante Chinoise et les autres n'est pas un film d'animation, mais un court-métrage qui met en scène, grâce à un subtil travail de montage, des dessins originaux d'une petite fille née en 1880. Elle avait énormément d'humour, d'intelligence et un regard critique extraordinaire, pour son âge et pour l'époque.
David, en filmant ces dessins, en a révélé toute la charge poétique.



Agenda

Festivals

Le Festival de la Correspondance 2006 Grignan - 11ème édition

Du mercredi 5 juillet au dimanche 9 juillet 2006.

Dans tout le village de Grignan, sont organisés des rencontres littéraires, des lectures, des lieux d'expositions, des marchés de lettres ou de cartes postales, des spectacles - adaptations théâtrales de correspondances et concerts - des ateliers, des animations et des chambres d'écriture.
Pour sa onzième édition, le Festival de Grignan aborde le thème des sciences. Les correspondances de Einstein, des Curie, de Diderot, d'Alembert et Catherine II, de Freud, de Françoise Dolto, de Leiris, de Segalen ou de Mme du Châtelet… seront l'occasion d'aborder la physique, les mathématiques, la médecine, la psychanalyse, l'archéologie, l'ethnologie, le Siècle des Lumières ainsi que l'art de la composition musicale.
7 juillet, 18h30 - Cour du Tricastin : A l'occasion de la sortie imminente en DVD des 6 chapitres de Diary de David Perlov, et d'une rétrospective au 34e Festival international du film de la Rochelle (30 juin - 10 juillet), nous organisons un débat au Festival de Grignan avec Yael Perlov, sa fille, monteuse au cinéma et productrice et Ariel Schweitzer, critique et historien du cinéma.
Renseignements et billetterie :
04 75 46 55 83
Office du tourisme :
04 75 46 56 75
Tout le programme sur le site du Festival :
http://www.festivalcorrespondance-grignan.com/

Avec le soutien de La Fondation La Poste

Colloque

Archive épistolaire et histoire
du lundi 14 août au lundi 21 août 2006

au Centre Culturel de Cerisy-la-Salle
Direction du colloque : Lucia BERGAMASCO, Mireille BOSSIS

Le Centre Culturel International de Cerisy-la-Salle organise, chaque année, de juin à septembre, dans le cadre accueillant d'un château du début du XVIIème, monument historique, une vingtaine de colloques réunissant artistes, chercheurs, enseignants, mais aussi un vaste public intéréssé par les questions culturelles et scientifiques. Il compte une forte proportion d'étrangers attirés par la culture française.

Lundi 14 août
Après-midi:

ACCUEIL DES PARTICIPANTS
Soirée:
Présentation du Centre, des colloques et des participants

Mardi 15 août
Matin & après-midi:

Journée organisé par la direction des Archives de France et avec leur concours, coordonnée par Françoise DURAND-EVRARD
Françoise AUJOGUE: Un fonds de correspondance exceptionnel : les papiers de Jean Guiraud (1866-1953) et de sa famille
Françoise DURAND-EVRARD: Le Fonds Ménie Grégoire
Hélène TAILLEMITE: Lettres de bagnards de Nouvelle Calédonie
Pierre JUGIE : Problèmes de méthodologie. Lectures de lettres par Valérie JEANNET, comédienne
Soirée:
En l'honneur et en présence de Ménie GRÉGOIRE : lectures de lettres par Valérie JEANNET

Mercredi 16 août
Journée accueillie aux Archives départementales de la Manche à Saint-Lô, par Gilles DÉSIRÉ DIT GOSSET
Exposition prévue de documents épistolaires

L'Outre-Mer canadien, espace privilégié de l'archive épistolaire, coordonnée par Raymonde LITALIEN
Raymonde LITALIEN: La correspondance entre le gouverneur, l'intendant de la Nouvelle-France et le ministre de la Marine
Victorin CHABOT: La correspondance entre la France et le Canada à l'époque de la guerre de Sept-ans
Guillaume ECKENDORFF: La correspondance des commissaires des classes à Cherbourg concernant les Acadiens réfugiés
André ZYSBERG: Galères et galériens à partir de la correspondance administrative de la Marine
Lectures de quelques unes des lettres évoquées par Valérie JEANNET

Jeudi 17 août
Matin:

Philippe BOSSIS: Pratiques agricoles et Progrès (1760-1780) : débats épistolaires
Ghyslaine GUERTIN: Échanges sur la musique : la correspondance Chabanon-Hennin
Après-midi:
Timothy TACKETT:Etude sérielle de la psychologie révolutionnaire
Kenneth LOISELLE: La correspondance entre francs-maçons à la fin de l'Ancien Régime
Soirée:
Lecture de Ursin et Ernestine (1863-1866) : adaptation théâtrale de l'ouvrage de Mireille Bossis par Dominique Brochet, lecture de Rose et Pierre THIÉRY, descendants et comédiens.

Vendredi 18 août
Matin:

Le Pari biographique: mise en récit de l'épistolaire ? Table ronde. Christine
Après-midi:
REPOS
Soirée:
Lectures de lettres par Valérie JEANNET

Samedi 19 août
Matin:
Lindsay HOLOWACH: L'éveil d'une conscience feminine au cours de la Révolution française
André-J. BELANGER: Chronique d'une rupture annoncée : correspondance entre Auguste Comte et John Stuart Mill
Après-midi:
Irène HERRMANN: A la recherche du passé à travers les correspondances suisses du XIXe siècle
Hélène QUANQUIN: Lucy Stone et Henry Blackwell : radiographie d'un couple et droit des femmes
Soirée:
Lectures de lettres par Valérie JEANNET

Dimanche 20 août
Matin:
Sylvie HOUSIEL: La notion de "consentement à la guerre" dans le discours epistolaire de la Grande Guerre
Anne-Julie AUVERT: Les lettres de prisons : miroir de nos représentations socio-culturelles ?
Après-midi:
Susan FOLEY et Charles SOWERWINE: "Je ne peux détacher mes yeux ni mon cœur de cette lettre divine" : la correspondance amoureuse et politique de Léonie Léon et Léon Gambetta, 1872-1882
Soirée:
Lectures de lettres par Valérie JEANNET

Lundi 21 août
Matin:
Lucia BERGAMASCO et Mireille BOSSIS: Conclusion et perspectives
Après-midi: DÉPART DES PARTICIPANTS

Avec le concours des Archives de France, des Archives du Canada, des Archives départementales de la Manche, et le soutien de la Fondation de la Poste.

Culturel International
de Cerisy-la-Salle
Normandie :
50210 Cerisy-la-Salle
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Lettre et théâtralité
A propos du colloque de Cerisy
Archive épistolaire et Histoire

par Mireille Bossis

Depuis quelques années les montages de lettres d'écrivains ont fait leur entrée au théâtre. La lettre se veut fragment de conversation avec les mots, tournures de langage et rythme de parole de l'auteur. On est dans le réel d'un vécu à peine transformé par l'écriture. Elle sert de matériau pour confectionner un spectacle qui met en scène des épisodes de la vie de l'auteur. Le succès de ce genre de représentation va de pair avec celui de la biographie. L'énorme correspondance de George Sand a été très utilisée : sa vie romanesque s'y prête. La spécialiste que je suis de cet auteur, n'apprécie guère ces pratiques qui s'apparentent à la citation tronquée, donc à des manipulations dangereuses, même si je dois reconnaître qu'il est difficile d'échapper au charme de certains spectacles- je pense en particulier à Cher Maître-.
Quel bénéfice l'auteur peut-il tirer de cette "cuisine" qui ampute, morcelle et change l'agencement de son texte ? J'en doutais jusqu'à ce qu'une de mes œuvres épistolaire soit confrontée à ce traitement que j'acceptais par curiosité. J'ai pu constater alors la difficulté du travail de l'adaptateur qui doit s'immerger dans l'œuvre pour pouvoir en tirer tout l'esprit avec les mots-mêmes de l'auteur et en donner une représentation en réduction ; il élimine les répétitions et les scories que contient toujours plus ou moins toute lettre. Ce travail, outre le plaisir immédiat qu'il procure, peut inciter à lire l'œuvre pour retrouver sa complexité et sa richesse.
C'est pourquoi pour tempérer l'approche un peu austère de ce colloque, j'ai souhaité qu'une comédienne prête sa voix à des lettres inédites afin de leur donner vie ; que le public soit confronté à une approche sensible avant d'entendre commentaires et analyses de ces textes inconnus souvent difficiles à déchiffrer. Malgré mon hostilité première de chercheur à ces démembrements, je suis toujours étonnée et séduite lorsqu'une comédienne lit avec talent une lettre ; même si elle m'est très familière, chaque mot prend une épaisseur et une tonalité nouvelle d'être entendue. Malgré parfois ses maladresses- je pense à la lecture qui sera faite d'Ursin et Ernestine- la lettre change de statut et c'est une étrange alchimie qui se produit et que je ne saurais expliquer. L'historien doit suspendre quelques instants sa distanciation et son objectivité scientifique pour se réconcilier avec sa subjectivité. Pourquoi ne pas écouter ces paroles en "attention flottante" et avec bienveillance ? peut-être sera-t-il étonné du résultat. Lettre, Histoire, Théâtre peuvent faire bon ménage : mélangeons les genres et tentons l'expérience...



Les actions de mécénat de la Fondation La Poste

Fidèle aux valeurs du groupe La Poste, la Fondation soutient l'expression écrite en aidant l'édition de correspondance, en favorisant les manifestations artistiques qui rendent plus vivantes la lettre et l'écriture, en encourageant les jeunes talents qui associent texte et musique et en s'engageant en faveur des exclus de l'écriture.

Le timbre de la Fondation La Poste

création d’Elisabeth Maupin © La Poste

MANIFESTATIONS CULTURELLES
2006

Le Printemps des Poètes (8ème éd) France et étranger 4 au 12 mars
Exposition " Magritte tout en papier " Fondation Dina Verny - Musée Maillol / Paris 8 mars au 19 juin
Pierres vivantes (2ème éd.) Bourgogne Mai à juillet
Festival du Mot (2ème éd.) La Charité sur Loire 14 au 18 juin
Le Marathon des Mots (2ème éd.) Toulouse 15 au 18 juin
Festival "Les Vibrations" (13ème éd.) Flers 22 au 24 juin
Lecture extraits correspondance G. Chaissac (avant première festival Les Correspondances La Poste Manosque) Musée de La Poste / Paris 19 juin
Festival d'Aix en Provence et Académie Européenne de Musique Aix en Provence Juin et juillet
Festival de la Correspondance (10ème éd.) Grignan 5 au 9 juillet
Francofolies (22ème éd.) La Rochelle 13 au 18 Juillet
Festival Brel (19ème éd.) Saint Pierre de Chartreuse 18 au 23 juillet
Colloque "Archives épistolaires et histoire" Centre Culturel International de Cerisy La Salle 14 au 21 août
Les Correspondances - La Poste Manosque (8ème éd.) Manosque Septembre 2006
Festival Jacques Brel (6ème éd.) Vesoul Octobre 2006
Les Sévignales (5ème éd.) Vitré Oct 2006 à oct 2007
Prix Wepler - Fondation La Poste (9ème éd.) Paris Novembre 2006
Spectacle "Camille Claudel 1864-1943" Toulon, Luxeuil - les - Bains... 17 oct au 19 nov 2006; 17 mars 2007
"Les rencontres de la Nuit" La Poste Batignolles 15 au 17 juin
(Cafés littéraires Montélimar Septembre)
Kaléidoscope Lyon (Opéra) 2006/07 ; 2007/08/09
ETICMAD (avec la DDD) Madagascar

EDITIONS LITTERAIRES
2006

Comme une lettre à la poste , Roger Duchêne, Fayard, Mars
Lettres Intimes, une collection dévoilée, Textuel, Oct
Napoléon Bonaparte Tome 3, Fayard, 24 mai
Napoléon Bonaparte Tome 4, Fayard
Correspondances de et à Diaghilev, L'âge d'homme
Correspondance Auguste Perret Marie Dormoy, Linteau
La route de Mérimée, correspondance et patrimoine, Huitième Jour

Depuis le 5 juillet, le site de la Fondation La Poste, www.fondationlaposte.org, est le premier site du groupe La Poste rendu "accessible" aux non-voyants.


Rédactrice en chef : Nathalie Jungerman
Collaboration : Corinne Amar, Mireille Bossis,
Pip Chodorov
ISSN 1777-5639

Fondation d'entreprise La Poste 44 boulevard de Vaugirard Case Postale F603 75757 Paris Cedex 15
Tél : 01 55 44 01 07

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